A chlore perdu
Burt, 55 ans et bâti comme un demi-dieu grec, se balade en slip de bain moulant pendant tout le film (attention les filles, à un moment il l'enlève) . Et oui, un jour il a la fulgurante idée de...
Par
le 28 nov. 2010
96 j'aime
18
Film purement hitchcockien, Le Plongeon est à classer dans cette catégorie de films inclassables, qui se racontent presque sans le vouloir. Des films qui paraissent anodins, d’une authentique banalité, pour finalement se révéler d’une profondeur presque insondable, et faire défiler devant nos yeux ébahis une myriade d’idées et de concepts mis en scène de la plus belle des façons.
Aucune indication, aucun mot « en trop » qui nous mâcherait le travail afin de comprendre le pourquoi du comment : la déduction est au centre de la trame narrative atypique du film. Ned Merrill, quarantenaire en excellente forme physique, prend un matin la décision loufoque de rentrer chez lui depuis la maison de ses amis « en nageant », c’est-à-dire en allant piquer une tête dans chacune des piscines qui se trouvent sur son chemin. Personnage versatile, incarné par ce splendide acteur que fut Burt Lancaster, colosse physique et monstre de sensibilité, Ned est un petit bourgeois à la vie apparemment bien rangée.
Mais son périple en apparence anodin va rapidement céder la place à la puissante et inexorable introspection d’une existence mélancolique et meurtrie. Le Plongeon se mue alors en une œuvre à la profondeur interprétative délectable, kaléidoscope coloré et subtilement pessimiste des gated communities américaines d’après-guerre. Critique diffuse de la société de consommation, lamentation passagère sur le temps qui passe et la vieillesse, méditation philosophique sur le sens de la vérité et le but du mensonge, Frank Perry danse sur une multitude de thématiques, sans jamais se perdre.
Cela grâce à l’adresse d’un excellent dialoguiste (chaque parole a son importance, une utilité) et l’audace d’un metteur en scène hors-pair. La variation incessante des prises de vue, ce goût pour les gros plans sur la face hâlée et percée de deux pupilles couleur ciel et mer de Lancaster, cette façon de césurer le film tout en le faisant traîner (sans qu’il paraisse long pour autant) : il y a ici tous les signes révélateurs d’un coup de maître.
Sombre rêverie aux accents cruellement ironiques, Le Plongeon semble a fortiori comme prêt à craquer de toute cette foule d’idées qui dénotent la créativité de son réalisateur. Cette remontée à contre-courant d’une rivière artificielle (symbole en négatif d’une nature totalement occultée, ce malgré son omniprésence tout au long du film), dont le personnage principal connaît nécessairement l’origine néfaste, apparaît pourtant lorsqu’on la visionne comme une œuvre maîtrisée, à la cohérence imparable.
Une immersion en apnée au cœur des vices de la bourgeoisie américaine de l’après-guerre, non pas à des fins de dynamitage, mais plutôt de monstration, méticuleuse et désenchantée. Fabuleuse mise en abyme d’un homme refusant de croire à un monde, à une existence dont il demeure toutefois irrémédiablement prisonnier et esclave. Le Plongeon est un chef-d’œuvre méconnu à découvrir sans tarder.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films inclassables, Les meilleurs films anti-système, Les meilleurs films avec des anti-héros, Les meilleurs films sur la vieillesse et Les meilleurs films sur le mensonge
Créée
le 27 nov. 2021
Critique lue 114 fois
4 j'aime
D'autres avis sur Le Plongeon
Burt, 55 ans et bâti comme un demi-dieu grec, se balade en slip de bain moulant pendant tout le film (attention les filles, à un moment il l'enlève) . Et oui, un jour il a la fulgurante idée de...
Par
le 28 nov. 2010
96 j'aime
18
The Swimmer est un film de 1968 qui en marque bien toutes les caractéristiques et qui ne sortira pourtant pas avant 2010 sur nos écrans, allez savoir pourquoi... Le point de départ est relativement...
Par
le 18 mai 2012
49 j'aime
17
Ceci n'est pas véritablement une critique, je n'aurais pas les mots exacts pour rendre hommage à ce film. Qu'est-ce que Le Plongeon? Tout d'abord nous mettons les pieds dans la bourgeoisie...
Par
le 26 juin 2013
32 j'aime
24
Du même critique
Critique de la saison 1 Stranger, de son nom original coréen Secret Forest, nous plonge dans une affaire criminelle atypique dont a la charge un procureur génial qui, à la suite d'une opération du...
Par
le 16 mars 2020
23 j'aime
11
Je ne vais pas y aller par quatre chemins : My Mister est l'une des plus belles séries que j'ai pu voir récemment. L'histoire de la série tourne autour des deux personnages de Park Dong-Hun,...
Par
le 29 mai 2020
22 j'aime
15
Un an après le très surprenant Extracurricular, Kim Jin-min rempile avec un nouveau drama produit par et pour Netflix. Cette fois le bonhomme s’inspire de l’univers des gangs et des stups pour...
Par
le 16 oct. 2021
21 j'aime
1