A chlore perdu
Burt, 55 ans et bâti comme un demi-dieu grec, se balade en slip de bain moulant pendant tout le film (attention les filles, à un moment il l'enlève) . Et oui, un jour il a la fulgurante idée de...
Par
le 28 nov. 2010
96 j'aime
18
On est toujours très heureux d’entrer dans un ciné-club, surtout aux débuts de celui-ci, quand il n’y a encore que trois membres dont soi, tous sympathiques. On est invités dans la maison de l’un d’entre eux, gâtés comme des princes (mojitos, pizzas et compagnie très agréable). Puis commencent les choses sérieuses : le choix (somme toute assez rapide) des films et leur vision (somme toute agréable). On croit avoir fait le tour, avoir passé une superbe soirée et en avoir fini jusqu’à la prochaine soirée du ciné-kloub provençal. Sauf qu’il y a cette fameuse règle, cette terrible règle qui oblige chaque membre (non par un contrat signé auparavant, l’épée sous la gorge, mais par un accord tacite encore plus insidieux et sournois) à écrire une critique du film vu (dans le cas présent, nous en avons vu deux et avons été d’accord pour accepter la possibilité d’une seule critique malgré tout). C’est donc après cette présentation globale que la critique a lieu. Messieurs, mesdames.
Un homme, la cinquantaine bien tassée, mais qui en paraît pourtant trente, traverse un bois et arrive devant une piscine : il plonge, nage quelques brassées et en ressort de l’autre côté. On lui tend un verre. C’est qu’il ne s’agit pas de n’importe qui et de n’importe quelle piscine. Elle appartient à des amis de longue date de cet homme, Neddy Merrill (Burt Lancaster, plutôt beau-gosse) qui semble n’avoir pas fait acte de présence depuis bien longtemps. Des retrouvailles très chaleureuses mais très vite interrompues. En effet, ces gens doivent rejoindre d’autres amis. Lui préfère sa géniale trouvaille : traverser le comté à la nage, à travers les piscines de chacun des voisins, jusqu’à chez lui. Le plan semble idéal dans un cadre si idyllique : lui si beau et populaire, apprécié de ses voisins, et cette banlieue boisée, uniquement remplie de maisons individuelles avec piscines dont les propriétaires sont tous amis et ont tous réussi avec panache.
Le film, « swimming pool movie » comme on parle d’un « road movie », semble construit comme un conte à étapes, où chaque étape rapproche un peu plus son (anti-)héros de la réalité telle qu’elle existe (et du présent – en effet, si on lui dit au début que cela fait deux ans qu’on ne l’a pas vu, les rencontres suivantes semblent avoir un souvenir de plus en plus récent de lui). Le film débute avec un personnage qui arrive au monde tel qu’il imagine celui-ci, semblant n’avoir aucun souvenir de sa vie avant le premier plongeon, éludant chaque fois la question de son absence prolongée, ne semblant pas comprendre quand on lui demande un remboursement. Et le film décrit la progressive victoire de la réalité telle qu’elle est sur la réalité telle qu’elle est fantasmée par ce personnage. On a vu ce schéma repris dans de grands films récents : nous pensons ici surtout au Labyrinthe de Pan (dont notre critique se fait attendre mais qui adviendra un jour, nous en faisons ici la promesse). Est exemplaire de ceci l’épisode avec le jeune enfant au soda, deuxième accroc au plan idyllique. D’abord, magnifique rencontre avec un gamin esseulé, mais la piscine est vide. Qu’à cela ne tienne, Neddy se décide à inventer sa nage à travers la piscine vide, dans une séquence jumelle de la séquence finale de tennis dans Blow-up (film absolument contemporain, tourné pratiquement en même temps) : « If you believe in something hard enough, it’s true for you » dit-il à l’enfant.
Le film ne fera, cela dit, que contredire autant que faire se peut cette maxime. Il ira même plus loin : chaque fois que le pire semblera atteint, une nouvelle écharde s’agrippera aux pieds du personnage. D’abord le rejet de l’ex baby-sitter devenue superbe jeune fille (Janet Landgard), puis le rejet dans une fête autour de la piscine, puis le rejet de la femme aimée (ces épisodes de plus en plus désabusés auprès d’anciennes amours nous renvoient à Broken Flowers). L’épisode de la piscine municipale mériterait presque un paragraphe à elle toute seule : à ce moment du film, on commence à se poser des questions sur la survie du personnage, qui frissonne à chacun de ses arrêts, qui semble de plus en plus perdu et abandonné. Évidemment, la situation idyllique n’est plus, il n’y a plus là qu’un enfer s’acharnant sur Neddy, lui interdisant d’abord l’entrée pure et simple dans la piscine, le voyant obligé de quémander 50 cents aux personnes se présentant à l’entrée. La traversée de la piscine s’avère la pire épreuve possible pour Neddy : enfer rempli à ras-bord de nageurs et d’enfants qui crient, devenu absolument intraversable, le laissant muet et luttant réellement pour sa survie. Inutile d’en rajouter sur la séquence suivante où, enfin réchappé de l’horreur aquatique, il se retrouve insulté publiquement par deux couples d’anciens amis qu’il se verra obligé de fuir par une escalade aussi chaotique que pathétique. Son périple se termine en forme de plainte agonisante sous une pluie diluvienne impressionnante, devant la maison familiale abandonnée et lui restant interdite.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films des années 1960, Les meilleurs films de Sydney Pollack et Les meilleurs films de 1968
Créée
le 27 juil. 2012
Modifiée
le 28 juil. 2012
Critique lue 1.7K fois
30 j'aime
4 commentaires
D'autres avis sur Le Plongeon
Burt, 55 ans et bâti comme un demi-dieu grec, se balade en slip de bain moulant pendant tout le film (attention les filles, à un moment il l'enlève) . Et oui, un jour il a la fulgurante idée de...
Par
le 28 nov. 2010
96 j'aime
18
The Swimmer est un film de 1968 qui en marque bien toutes les caractéristiques et qui ne sortira pourtant pas avant 2010 sur nos écrans, allez savoir pourquoi... Le point de départ est relativement...
Par
le 18 mai 2012
49 j'aime
17
Ceci n'est pas véritablement une critique, je n'aurais pas les mots exacts pour rendre hommage à ce film. Qu'est-ce que Le Plongeon? Tout d'abord nous mettons les pieds dans la bourgeoisie...
Par
le 26 juin 2013
33 j'aime
24
Du même critique
Que faire du zombie ? Son état de décomposition ontologique a désormais infecté jusque les films dans lesquels il joue le rôle principal. Le mort-vivant n'est plus qu'une pauvre âme en peine qui erre...
Par
le 18 déc. 2010
84 j'aime
35
Début d'été, dans une banlieue proche de Tokyo, les enfants et leurs familles convergent vers la maison des parents pour une journée. En effet, c'est depuis quelques temps, une fois l'an, pour se...
Par
le 18 déc. 2010
77 j'aime
2
Le cinéaste thaïlandais Weerasethakul a frappé un grand coup en douceur lors de l'été 2007, sa "Lumière du siècle" (traduction littérale du titre original) fait encore mieux qu'être simplement le...
Par
le 18 déc. 2010
59 j'aime
20