Que faire du zombie ? Son état de décomposition ontologique a désormais infecté jusque les films dans lesquels il joue le rôle principal. Le mort-vivant n'est plus qu'une pauvre âme en peine qui erre dans des longs-métrages souvent lourdauds, qui semblent le porter comme un fardeau. Même son illustre Père George Romero ne sait plus quoi en faire, revenant durant cette décennie pour bafouiller son manuel du zombie dans le pénible Land of the Dead ou singer le « Blair Witch movie » avec l'affreux Diary of the Dead. Durant ces mêmes années 2000, seuls deux films avaient réussi à apporter un léger vent frais au genre. D'un côté, le délirant Shaun of the Dead, qui trouvait l'étalonnage parfait entre parodie et hommage, tout en réactualisant la parabole politique. De l'autre, le nerveux remake de Zombie par Zack Snyder : L'Armée des morts, où l'urgence remplaçait la découverte du paradis consumériste (et où, par voie de conséquence, les zombies devennaient plus violents et se mettaient même à courir).
Ces deux films là posaient l'essentiel de ce que pouvait dire le zombie sur notre société à l'aube du 21ème siècle. Depuis, le film de zombie est devenu has-been. Jadis objet de culte, il est remplacé dans le coeur des jeunes par le vampire, plus classe et plus sombre. Le réalisateur Ruben Fleischer, qui fait ici ses débuts au cinéma après avoir notamment officié au Saturday Night Live, n'est pas dupe quand il se retrouve aux mains d'un projet de films de morts-vivants, il sait que le genre est en déperdition profonde et que le zombie n'en a plus pour très longtemps : la date de péremption est proche. D'autant plus conscient de l'épée de Damoclès au dessus de sa tête qu'il n'est pas lui-même fan du genre, il tente avec ce film un dernier coup, hommage en forme de délirante fuite en avant.
Road-movie parce qu'il n'y a plus qu'à rouler et à accélérer le rythme pour sauver le genre, Zombieland oublie pourtant presque le zombie durant une bonne moitié du film : tout le monde sait qu'il est là, mais personne n'en a vraiment peur. De Colombus (Jesse Eisenberg) et sa liste de règles au second couteau un peu rustre qui pense avoir la tuerie de morts-vivants dans la peau (Woody Harrelson) jusqu'au caméo de Bill Murray, se déguisant en zombie pour ne pas être reconnu quand il se ballade dans la rue, tous parlent du zombie comme s'il était un personnage extérieur, presque absent, juste là pour servir de prétexte à de nombreuses blagues. S'il n'est plus là, c'est que, proche de la mort clinique, il ne sert qu'à accentuer ce qui est important : re-fonder une famille (le moteur narratif des deux personnages masculins), flirter avec une jolie fille (ici, Emma Stone) ou s'amuser. Que ce soit en regardant Ghostbusters, en saccageant un magasin ou en multipliant les zombicides, il s'agit de trouver ce qui reste principalement au film de genre quand on oublie le zombie : le fun, l'excitation (celle, justement, du parc d'attractions), la joie toute primale de détruire ces corps presque humains une dernière fois. Avant la prochaine.