Peu familier du cinéma de Kurosawa, difficile pour moi de relier LE PLUS DIGNEMENT au reste de sa filmo. Je ne peux chroniquer le film qu’avec ce que j’en vois, et ce que j’en sais…
Produit en 1944, ce second long-métrage de l’auteur milite par conséquent pour l’effort de guerre, l’augmentation de la production, le communautarisme et le sentiment patriotique. Le message est clair, aucun doute là dessus.
Pourtant, à l’image de Barberousse (un des seuls autres Kurosawa que j’aie vu), il y a une vraie bienveillance au-delà du motif nationaliste. On observe ainsi dans les deux œuvres, une certaine philanthropie requérant de grands efforts personnels, pour le bien commun. Dans LE PLUS DIGNEMENT, Kurosawa compose quelques portraits de femmes, constamment magnifiés par une certaine dualité. L’honneur et le patriotisme s’y confrontent aux capacités physiques et aux devoirs familiaux… Il y a ainsi une vraie tragédie qui filtre à travers le film, ramenant la nation japonaise à l’individu et à ses choix personnels et motivations humanistes.
On ressent vraiment la présence d’un auteur et de ses propres valeurs, au-delà de la commande et des impératifs de production.
Puis formellement, LE PLUS DIGNEMENT est un bijou. La technique est ici au service du pouvoir évocateur, donnant encore plus de force au film. Chaque scène, majoritairement filmée en plans fixes, fascine par sa composition : en sus du travail sur la photographie et les ambiances (ces brumes !), le sens du cadrage resserre l’action et les décors autour de ce groupe de femmes, rendant compte de l’enfermement et de cette entraide/rapprochement/communautarisme qui définit ce petit groupe de femmes. Ces plans de groupe permettront ensuite d’isoler quelques femmes, rappelant par l’absence à quel point l’autre est nécessaire pour se construire. Il y a quelque chose d’immédiat qui ne passe que par la suggestion, et à quoi j’ai été très sensible.
Simplement par la puissance de sa mise en scène, Kurosawa insuffle ses obsessions humanistes dans ce pur objet de propagande. Le Plus Dignement, déjà fort.
Chroniqué dans le cadre d'une rétrospective Kurosawa proposée par le festival Lumière 2015
--> Critique issue du Blog du Cinéma