Cette chronique policière dépeint avec un réalisme incisif un microcosme où grouille une faune interlope composée d'une lie de la société : dealers, camés, prostituées, proxénètes, petits délinquants qui côtoient le crime organisé. Ce quartier sud du Bronx à New York est présenté comme le pire endroit du pays, avec un taux de criminalité fortement élevé et une population qui y vit dans des conditions souvent épouvantables. Le commissariat implanté dans cet enfer rongé par la fange urbaine et dangereuse, est lui-même présenté comme un fort érigé en territoire ennemi, d'où le titre original du film. Le code pénal y est inapplicable, les policiers se résignent à ignorer certains petits méfaits.
Inspiré par le récit de 2 flics qui ont vécu cette atmosphère anxiogène, le film possède un aspect documentaire , avec le rendu saisissant d'un poste de police et une suite d'anecdotes vécues, tout en dénonçant certaines brutalités policières, ce n'est pas un sujet nouveau, des films comme Bande de flics d'Aldrich, ou les Poulets de Richard A. Colla avaient déjà montré la vie d'un commissariat, et plus encore à la télé dans des séries comme Police Story et Hill Street Blues... Moins virulent que Serpico ou Colors, le Policeman donne un reflet amer de la vie newyorkaise et de ses quartiers défavorisés. L'opposition entre les différentes communautés, leur haine pour la police, le drame des flics pris entre la bureaucratie et leur action sur le terrain sont autant d'éléments révélés avec un souci d'objectivité, même si la mise en scène manque un peu de vigueur ; des gars comme Scorsese ou Lumet auraient tiré d'un tel sujet un film beaucoup plus ambitieux et moins sage. Mais en l'état, le réalisateur venu de la télévision, dont c'est sans doute le meilleur film, ne condamne personne, il dresse le constat d'une violence et d'une corruption qui sont l'aboutissement logique des conditions d'existence de la population locale.
Un film qui se voit sans ennui, soutenu par une interprétation remarquable de Paul Newman en flic désabusé et à l'humour teinté d'amertume, qui n'abuse pas trop de la "méthode" Actor's Studio ; il est parfaitement secondé par de bons acteurs comme Danny Aiello, Ken Wahl, Rachel Ticotin, Ed Asner, ou Pam Grier dans un petit rôle de prostituée junkie.