Spielby est décidément imprévisible dans les sujets dont il s'empare, et tragiquement attendu dans le traitement qu'il en fait.


Avec le Pont des espions, il ne faillit pas à cette règle. Le sujet, fleurant bon les barbus en imperméable et les coups fourrés, silencieux au poing sur fond de guerre froide, demeure inédit dans sa filmo. Pourtant, loin de nous raconter manoeuvres et contre-manoeuvres clandestines dans un Berlin partagé entre les vainqueurs du dernier conflit mondial, il nous entretient donc de l'Amérique, de ses valeurs, et de la nécessité (à tout le moins lorsqu'on est américain) de rester droit dans ses bottes, sous peine de détruire ce pour quoi on se bat. Ainsi, à la foule hirsute, toute de bave, de griffes et éructant sa vindicte, Donovan (Tom Hanks, pas inattendu mais pertinent) oppose le droit qu'à le "traître" Rudolf Abel à un procès équitable, d'ailleurs, nous explique-t-on, ce n'est pas un traître, puisqu'il n'a donné personne! Mais, l'important est bien de se comporter comme des être civilisés, et pas ces cochons de cocos. Même si, au final, Donovan finit par se reconnaître en Abel, peut-être plus qu'en nimporte qui d'autre en Amérique - mais, je suis peut-être taquin en interprétant de la sorte.


Les amateurs de barbouzeries pourront se réjouir de voir un Berlin pré-Mur reconstitué à merveille, une ambiance visuelle délicate où la lumière semble n'être là que pour sculpter l'ombre, et où les négociations se font à coup de marchandages et de menaces feutrées. Mais, rapidement, la notion d'intrigue(s) cède le pas aux thèmes chers à Spielberg, (la grandeur de) l'Amérique, la justice, le face-à-face, d'homme à homme, la compréhension entre individus... par delà leurs idéologies (que chacun s'acharne à défendre énergiquement)! Et c'est finalement dans cette partie-là, à côté des discours idéologiques convenus (que l'on pourrait résumer à abyssus abyssum invocat) et du film d'espionnage négligé (au final, l'échange d'Abel contre le pilote Powers sur le Pont de la Gliniecke est presque traité comme un épilogue), que Steve nous gratifie de moments de bravoure, appuyés en cela par un Tom Hanks monolithique et rayonnant face à un Mark Rylance plus subtil, désabusé et grisoyant.


En résumé, ce n'est pas un film d'espionnage, mais un film sur la question de l'espionnage, des "traîtres" (se hasarderait-on à y substituer "terroristes"?), le tout baigné dans une ambiance rappelant les films noirs. Au delà d'un discours d'autant plus convenu qu'il est très attendu de la part de Spielberg, on a donc droit à un bon numéro d'acteurs, superbement photographiés, ainsi qu'une reconstitution sinon exacte et rigoureuse, à tout le moins inspirée, et cela sans s'ennuyer pour peu que l'on s'intéresse au thème et/ou à l'époque.


Pour les ceusses qui préféreraient, sur la même époque, un vrai film d'espionnage, sans morale ni happy end, en N&B de surcroît, allez donc voir "L'espion qui venait du froid".

Cafe-Clope
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le 26 févr. 2018

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