La diversité des notes et des critiques témoigne du polymorphisme de Whiplash: chacun y voit ce qu'il a envie, ce qui parle à sa sensibilité. C'est sans doute là que réside sa principale force.


Sceptique quant au contenu jazzy (je suis métalleux), un copain avait réussi à me vendre le film sous l'angle du grand huit émotionnel sur fond de relation maître/apprenti.
Mais, dans Whiplash, je n'ai pas vu de relation maître-élève, du moins autrement qu'effleurée. Je n'ai pas vu d'histoire sur la musique en général (d'ailleurs, à aucun moment il n'est fait mention, si ma mémoire ne me trahit pas, de composition ou d'improvisation, seulement de la parfaite exécution au sein d'un Big Band d'une partition écrite par un autre), ni sur le jazz, autrement que comme arrière-plan musical pour aider à passer plus facilement la projection. Il n'est d'ailleurs pas joué par des noirs, ne fait pas l'objet d'improvisations ludiques, et, surtout, son public n'est que suggéré, comme si l'existence de ce dernier n'était qu'une contingence dont il convient de se débarrasser au mieux pour pouvoir s'astiquer le saxophone tranquillement.


Je n'y ai pas vu de parabole sur l'ambition (L'associé du Diable le fait tellement mieux) non plus, car l'ambition du héros (devenir le meilleur batteur de jazz en cognant à 400 BPM - dire que d'aucuns raillent le Black Metal) semble naître simplement en réaction aux moqueries des membres de sa familles qui s'enorgueillissent de situations socialement enviables. Il ne sera pas analyste financier, prof de lettres ou sous-officier de la Navy: il sera le batteur le plus rapide du monde du jazz blanc!!!


Car, oui, le meilleur batteur de jazz, c'est - il n'y a qu'une seule définition objective - une machine à débiter de la double (triple, octuple...) croche sans déborder; jamais, ô grand jamais, se faire plaisir à jouer de la musique ou à créer, hein...


Pour ce faire, il relève le défi de survivre au sergent-instructeur/"prof du conservatoire" qui entend l'humilier, le rabaisser, pour accomplir son propre rêve: en faire sortir le musicien légendaire du siècle, comme on fait sortir la mayonnaise d'un furoncle. Souffrance, humiliation, blessures: le film ne manque pas d'inconforts pour notre héros que nous peinons à qualifier de malheureux. Pour le public aussi: incompréhension, gêne... on a l'impression d'assister à une engueulade entre un pote et son daron pour une question de devoirs à la maison.


Pas de relation maître-élève, car, chacun instrumentalise l'autre pour ses propres besoins: le jeune espoir du matraquage haute cadence attend du Maître non pas qu'il révèle au grand jour le talent (ou la mécanique de précision?) qui se cache en lui-même, mais simplement qu'il devient LE meilleur batteur de jazz de son époque (il vise le titre, quoi) tandis que le maître espère devenir celui qui, grâce à son intuition, son sens musical et sa pédagogie issue de l'armé impériale japonaise de l'ère Showa, aura découvert ce talent unique; il espère être celui sans lequel tout cela n'aurait pas été possible.
Whiplash m'est donc apparu comme un film de vengeance, de petitesse, de mesquinerie, de concours d'andouille de Guéméné éhonté entre deux losers devenus par la force des choses de fieffés connards, et qui de surcroît qui ne sont à aucun moment sympathiques.


Finalement, je suis ressorti satisfait d'avoir entendu du jazz, et profondément déçu de n'avoir assisté à rien d'autre qu'une histoire de prédation déclinée sur des plans individuels et socio-culturels, sans message, sans jugement ni tentative de laisser le public s'identifier. C'est quand même beaucoup de peine pour aboutir à un néant vertigineux. J'étais bien content que ça s'arrête.

Cafe-Clope
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le 11 déc. 2017

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Cafe-Clope

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