Un film qui démontre déjà que la capacité inouïe des traducteurs en France à pondre des titres un peu stupides ne date pas d'hier. On peut même parler d'une tradition bien ancrée au vu des exemples qui parsèment l'histoire du cinéma. Appelons cette tradition française le gogolisme.
Le port de l'angoisse qui fait peur, donc (remettons en une couche tant qu'on y est), est une adaptation d'un roman d'Ernest Hemingway avec William Faulkner au scénario, tous deux étant des bons copains de l'ami Hawks qui savait tout de même s'entourer.
On y parle d'Harry Morgan, citoyen américain qui loue son bateau au plus offrant pour des parties de pêche et qui va se retrouver mêlé bien malgré lui aux affaires de la résistance française qui lutte contre la police de Vichy.
Et là, autant le dire tout de suite, Harry Morgan, c'est bien sûr Han Solo, ce citoyen qui loue son vaisseau au plus offrant pour tout type de transport et qui va se retrouver mêlé bien malgré lui aux affaires des rebelles qui luttent contre l'empire galactique.
Si George Lucas ne s'est pas inspiré pour l'écriture de son Starwars autant de ce film que de La Forteresse cachée, j'en serais très étonné tant les parallèles entre les deux hommes comme dans la relation qu'ils entretiennent avec la femme de leur pensée saute aux yeux jusque dans les échanges de vannes qu'ils prennent un malin plaisir (plaisir partagé par le spectateur) à distiller à longueur de film.
Alors, contrairement au film de Lucas, To Have and Have Not n'est pas un film qui brille par son action non stop, mais pourtant il s'y passe tout un tas de choses qui rendent le film passionnant de bout en bout.
Le principal intérêt du film reste ses dialogues brillants constitués d'échanges qui rivalisent de sarcasmes et de drôlerie entre Humphrey Bogart/Harry Morgan et Lauren Bacall/Marie "Slim" Browning dont la complémentarité se voit à l'écran immédiatement. Si on connaît déjà le talent de Bogart, on ne peut qu'être époustouflé par l'assurance de cette jeune fille de 19 ans qui fait jeu égal avec la star. Bref ce jeu de séduction/dérision qui s'établit entre ces deux là est tout simplement délicieux.
Ajoutez aux dialogues ciselés des deux tourtereaux à l'écran comme à la ville, une galerie de seconds rôles tous plus réussis les uns que les autres qui apportent chacun leur pierre à l'édifice de ce récit, et vous vous retrouverez avec un grand classique devant lequel je peine à comprendre pourquoi tant de personnes semblent bouder leur plaisir.
Un film maitrisé par Howard Hawks qui pourrait faire penser dans l'ambiance au Casablanca de Michael Curtiz, et qui fonctionne surtout grâce à sa galerie d'acteurs impeccables, au premier rang desquels se trouve le couple formé par Bogart et Bacall, un sens des dialogues particulièrement bien senti, et une certaine maestria dans la description des relations qui lient les différents personnages qui naviguent dans les eaux troubles de Fort-de France.