De toutes les adaptations cinématographiques que j'ai pu voir, celle-ci est de loin ma préférée. J'ai trouvé la mise en scène intelligente dans son ensemble, avec la conclusion, un peu divergente (sans toutefois dénaturer celle de l'œuvre originale), d'un intérêt supplémentaire.
A la fois sobre et inventive, l'utilisation du jeu de lumières dans le décor, l'esthétique particulière des reflets (personnages, bougies) dans les cadres et miroirs, colle parfaitement aux texte, récit et déroulement de l'histoire.
Le trio d'acteurs Raymond Gérôme (Lord Henry Wotton), Patrice Alexsandre (Dorian Gray) et Denis Manuel (Basil Hallward) est excellent, d'autant plus à l'aise qu'ils avaient joué les mêmes rôles dans la pièce -du même réalisateur également- qui précédait le film, au théâtre Daunou à Paris, en 1976. Raymond Gérôme est remarquable dans la faconde, le cynisme et l'insupportable mauvaise foi jusqu'au-boutiste du sinistre personnage qu'il incarne, celle du dandy mentor et menteur à la fois; Patrice Alexsandre se distingue par l'élégance de sa silhouette, l'intensité de son regard et l'"étrange beauté" (pour reprendre les termes de Lord Henry) magnétique qui émane de lui; Denis Manuel par sa discrète efficacité dans le rôle de l'artiste déchu, incompris et rejeté, seul personnage réellement torturé dans sa conscience du vrai et du faux, du bien et du mal, de ce qui est juste ou non.
Voilà un film que je pourrais volontiers revoir pour ses multiples réflexions et reflets -de miroir et de l'âme humaine, dont les pires tourments devraient en réalité affecter les véritables auteurs de sombres crimes, même impunis par la loi. D'autre part il y a des crimes qui, passés sous silence, insoupçonnés de tous (ou presque) ou commis à l'ombre des regards (du grand public) ne peuvent cependant pas être cachés éternellement.