Le portrait de génie
Le Portrait de Jennie rejoint les grands films abordant le thème passionnant de l’amour fou et Dieterle s’inscrit parfaitement dans la lignée des Borzage, Hathaway, etc. Ici il s’agit de l’amour...
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le 15 avr. 2018
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Ici vous pouvez spoiler
Portrait of Jennie est un film qui a été réalisé par William Dieterle, sortit en salles en 1949. Les acteurs principaux sont Jennifer Jones dans le rôle de Jennie, Joseph Cotten qui interprète le personnage d’Eben Adams. Enfin, Ethel Barrymore qui joue le rôle de Miss Spiney. Basé sur le roman de Robert Nathan, le film raconte l’histoire d’un peintre, Eben, en manque d’argent et d’inspiration. Il va faire la rencontre de Jennie, personnage plus ou moins réel, qui est en fait décédé 10 ans auparavant. Elle va devenir sa source d’inspiration pour réaliser une de ses plus grandes œuvres
« Portrait of Jennie ». La séquence qui va être analysée est celle d’ouverture. Comment cette séquence d’ouverture permet t‘elle de poser à la fois les enjeux du film et de séduire le spectateur ? Dans une première partie, nous aborderons la voix off qui a une double fonction : narrative et séductrice de cette introduction. Ensuite, nous aborderons la séquence d’un point de vue technique entre peinture et cinéma, preuve d’une originalité esthétique. Et enfin, nous analyserons le personnage mystérieux de Jennie et l’ambiance fantastique qui laissent place au suspens.
Le premier plan du film nous plonges la tête dans les nuages et une voix off apparaît pour poser diverses questions existentielles comme : qu’est-ce que le temps ?, l’espace ? La vie ?», « la mort ? ». Ensuite, va suivre un champ lexical abondant en termes religieux entre « foi », « croyances » ,
« éternité ». L’on suppose que toutes ces questions posées dès le début ne sont pas là pour faire décors mais qu’il se pourrait bien que ce soit des thèmes abordés dans le film. De plus, ces questionnements sont en concordance avec le paysage, les nuages élément du ciel, représentent la montée de l’âme vers le ciel après la mort. La mort occupera sûrement une place importante dans l’histoire. Ensuite, la caméra redescend vers la terre pour nous dévoiler un plan large sur une ville, celle de New York nous informes la voix off. L’on découvre ensuite un plan sur un personnage qui erre seul avec une large pochette aux bras, la voix off nous parle de la difficulté des artistes à vivre durant l’hiver, un lien son/image se crée pour que l’on comprenne que c’est un artiste. Ainsi, toutes les informations principales sont mises en place : le lieu, le personnage principal, les enjeux et thèmes du film. Cependant, la voix off n’a pas seulement un but didactique elle est là pour nous séduire à travers des références poétiques d’Euripide ou de Eats. En nous révélant que cette histoire « est vrai » ce qui a tendance à plaire aux spectateurs et en nous annonçant le début du film comme un spectacle et quelque chose de merveilleux « À présent voici le Portrait de Jennnie ». Enfin, l’on comprend un peu plus tard dans la séquence que la voix off est celle de l’artiste montré un peu plus tôt, ce qui est fortement plaisant, car la voix off n’est pas une tiers personne, elle appartient à un personnage de la diégèse à qui l’on va pouvoir s’attacher.
Ainsi la voix off nous informes sur les éléments principaux pour situer et contextualiser le film mais elle permet aussi de nous charmer à travers le fait que cette voix appartient au personnage principal. Nous avons vu que l’introduction citait des références poétiques, la poétique n’est pas le seul art dont il est question dans cette séquence. La séquence va nous dévoiler une esthétique de deux univers que sont la peinture et le cinéma.
Au moment où la voix off annonce le titre du film superposé sur la ville, le plan se fige et le grain de l’image forme une maille, comme pour nous rappeler la toile de peinture. Ce paysage est comme une introduction du film, il nous plonge dans un lieu ou va prendre place l’histoire, soit New York. Le spectateur doit prendre le temps de regarder car c’est un élément important du décors pour l’histoire. Le même procédé technique se reproduit à 1’59 sur le paysage d’un parc enneigé. Cette fois-ci la voix off informe sur la période, soit « l’hiver 1934 » le plan se fige comme un cliché photographique qui nous rappelle le temps passé. Rappelons que la question sur le temps posé au début est un élément essentiel. La peinture c’est le temps qui est passé. Tandis que les plans mouvants c’est le temps qui passe. Divers mouvements de caméra sont présents : travelling arrière à 3’34 et de nombreux panoramiques. Le plan à 2’16 sur la plaque brillante « Matthews and Spinney fine painting » que regarde l’artiste dévoile un reflet des passants derrière lui qui défilent. Il y a donc une forte abondance du mouvement dans le film avec le temps présent qui passe sous nos yeux et en contraste un temps qui se fige. Cela met en jeu aussi les différents procédés utilisés en peinture et dans le cinéma. La volonté didactique est toujours présente en choisissant des plans phares du décors. Mais une esthétique mélangeant peinture et cinéma permet de donner une certaine originalité à la séquence.
Ainsi une contradiction à la fois esthétique qui nous informe sur le temps passé et le temps qui passe. D’autres éléments dans la séquence nous offres une vision contradictoire en terme de temporalité. C’est ce que nous allons voir dans cette dernière partie.
Plusieurs éléments de la séquence permettent de construire une ambiance magique et fantastique. Tout d’abord, le décors, Eben nous dit « J’ai senti quelque chose d’extraordinaire » et au même moment les lampadaires s’allument tous en même temps tel un spectacle nocturne. Lorsqu’il aperçoit Jennie, les notes musicales produisent un son fantomatique et étrange. Avant de se quitter, Jennie va faire un vœux et tourner trois fois sur elle même telle une formule magique. À la fin de leur rencontre Jennie s’en va dans la brume comme pour disparaître dans celle-ci, comme si elle avait le pouvoir de s’éclipser. Ça nous rappelle les trucages à la Méliès pour les apparitions et disparitions il utilisait souvent le motif de la brume ou de la fumée. De plus, des éléments incohérents du dialogue entre Jennie et Eben vont nous éclairer sur l’étrangeté de la situation. En effet, Jennie va parler du théâtre Hammerstein comme un lieu récent tandis qu’ Eben lui se rappelle de l’avoir vu détruit pendant son enfance. Ensuite, elle va demander à Eben de voir ses peintures mais cela paraît bizarre qu’elle sache déjà que ce sont des peintures, elle semble connaître aussi les lieux qu’il a peint mais elle reconnaît que des éléments sont manquants. Sans connaître ces lieux elle a de vague souvenirs. Autre élément qui ne correspond pas à la temporalité du présent, le roi Kaiser dont Jennie soutient qu’il est vivant alors qu’il est mort depuis quelques années. Tout cela nous permet donc de penser que Jennie est un personnage en décalage avec la réalité de son temps et que le décors permet l’amplitude cette ambiance fantastique et magique. Ainsi, le spectateur a envie d’en savoir plus sur ce personnage mystérieux qui laisse place au suspens.
En conclusion, cette séquence d’ouverture qui débute par la voix off pose les enjeux et questionnements du film à travers celle-ci, qui se trouve être celle du personnage principal, fort plaisant pour le spectateur car il appartient à l’histoire et il va nous raconter son histoire. Ensuite, le choix esthétique qui mélange peinture et cinéma donne de l’originalité au grain de l’image et nous rappelles que la peinture occupe une place importante dans le film et que le temps est déjà en contradiction entre passé et présent. Tout comme le sont Jennie et Eben, mais Jennie souhaite à travers sa formule magique atteindre le même âge d'Eben sans que lui n’ait vieillit. L’ambiance musicale et le décors créent un espace fantastique dans lequel Jennie apparaît comme par magie grâce aux lampadaires qui s’allument en même temps et disparaît dans une brume étrange. Cette introduction nous donne donc à la fois des éléments essentiels afin de situer le film mais elle a pour but de nous charmer et de nous donner envie de voir la suite et de comprendre quel est ce personnage mystérieux qu’est Jennie.
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Créée
le 11 juin 2020
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