Le gros plan qui contemple le visage de Fan Bingbing, au moment où son personnage met en échec son empereur d’époux avec qui elle joue à un jeu de plateau, incarne tout le film.


Il exprime le propos du film : la force des règles et des normes interdisent à l’impératrice de disputer sereinement une partie d’échecs ; enthousiasmée par cette partie, elle se souvient trop tard qu’elle n’a pas le droit de gagner pour ne pas insulter la dignité de son époux.
Et pour montrer cela, un très gros plan sur le visage de l’actrice, qui ne peut pas laisser indifférent toute personne un tant soit peu sensible à la beauté des femmes.
Le Portrait interdit se pose dès lors comme un film sur la perfection de la forme, sur les règles et les normes qui étouffent.


Ainsi ce exprime ainsi la réussite du film : la prégnance du formel est montré par la perfection de la forme cinématographique. Chaque plan, chaque cadre est épatant, tant ils sont précisément composés. Rien ne déborde, les plans d’ensemble du palais donne l’impression d’une maquette où les personnages sont enfermés et effectuent une chorégraphie prévue à l’avance.
Pourtant, cette perfection formelle n’est pas un formalisme : lorsqu’il met en scène et en musique la montée et la tension du désir, et / ou lorsqu’il admire Fan Bingbing, le film exprime une sensation de sublime qui coupe le souffle.


Mais ce gros plan montre aussi la « limite » du film (même s’il est difficile parler de « limite » tant le film pousse l’accomplissement de son idée) : la frustration.
Ce film est un film sur la frustration. Frustration du désir du frère jésuite et de l’impératrice d’abord (lui s’en sort d’ailleurs mieux qu’elle puisqu’il est habitué à composer avec la frustration de son désir), dont la montée est contrainte par les règles. Frustration du désir du spectateur ensuite, puisque ses attentes ne seront pas satisfaites : les moments de déséquilibre, lorsque monte le désir, sont si vertigineux que lorsque ce désir n’éclate pas, lorsque l’orgasme ne vient pas, on se sent terriblement frustré.


Une fois le film terminé, on se sent déçu puisque ce à quoi le film nous a préparé n’est pas venu. C’est la preuve que le film a implacablement réussi à suivre sa logique : parler d’un désir qui n’a eu le droit de s’exprimer ; d’un désir si fort, et donc, si frustrant.

TomCluzeau
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le 3 janv. 2018

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Tom Cluzeau

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