La comédie française à un nouveau prénom
Autant ne rien cacher : la bande-annonce n’avait franchement rien d’attirant ! Ne donnez aucunement envie de voir ce film ! Et pourtant, dès sa sortie, la presse ne tarie pas d’éloges. Les chiffres du box-office se montrent éloquents (20 semaines d’exploitation avec à l’arrivée plus de 3,3 millions d’entrées). Les nominations pleuvent aux Césars 2013, débouchant sur deux récompenses. Sans oublier que les adaptations des pièces de théâtre comiques ont déjà fait leurs preuves en France (La Cage aux Folles, Le Dîner de Cons). D’autant plus que Le Prénom part avec un atout en poche : réalisé par les deux metteurs en scène d’origine, Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte.
Déjà, Le Prénom ne se présente pas comme une idée totalement saugrenue comme nous le propose que trop rarement la comédie française à l’heure actuelle. Pas de postulat qui débouche sur des séquences improbables ou bien des personnages hauts en couleur qui peuvent flirter avec l’hystérie la plus totale. Pouvant faire plonger l’ensemble dans une lourdeur qui ne fait pas rire, si ce n’est d’user du mauvais goût à tout-va. Non, Le Prénom, c’est une comédie avec de la classe ! Avec pour seule arme humoristique son écriture. Et sur ce point, Le Prénom dépasse toutes les attentes possibles !
Tout démarre par une soirée. Où deux couples et un amis proches se retrouvent comme souvent, pour passer un bon moment. Surtout que l’un des couples attend un heureux événement : la naissance d’un enfant. Un excellent prétexte pour que les festivités soient au beau fixe, avec ambiance de rigueur et rires à foison. Seulement voilà, il va suffire d’une question, d’une simple question, pour que cette soirée vire au cauchemar. Du coup, ce sont les débats, les engueulades, les insultes et même les poings qui vont tomber. Et certains secrets qui vont être révélés ! Tout ça à cause de quoi ? De cette demande : « comment allez-vous appeler votre enfant ? ». Une toute petite question qui va enchaîner les sujets tabous et des cassures dans les relations entre nos personnages.
Voilà ce qu’est Le Prénom. Une comédie qui fait rire en mettant en avant une situation de la vie de tous les jours. Une soirée entre amis/proches qui fait entrer en jeu bon nombre de discussions. Où l’on parle de tout et de rien, allant souvent jusqu’à la déconne. Mais pouvant dégénérer à tout moment, plombant un agréable moment. Une comédie présentant des personnages qui ressemblent forcément à quelqu’un que nous connaissons, ce qui leur donne une crédibilité bien plus importante que des archétypes à la Camping.
Il faut dire aussi que Le Prénom peut se vanter d’être une véritable perle en matière de distribution d’acteurs. Proposant des comédiens au naturel désarmant, qui font croire sans problème à leur crise de nerfs. Et d’autres à des plaisanteries. Tout à l’heure, nous parlions de deux Césars remportés par ce film. Ils concernent notamment la prestation de deux comédiens de ce casting d’exception. La regrettée Valérie Benguigui (décédée le 2 septembre 2013) et Guillaume de Tonquedec (connu pour être Renaud Lepic dans la série Fais pas ci, fais pas ça). Deux récompenses un chouïa injuste envers le complices, tout aussi excellents. Je veux bien entendu parler de Patrick Bruel, Charles Berling et Judith El Zein. Surtout du premier, lui qui n’est pas spécialement un bon comédien (d’ailleurs, je cherche encore ce qu’on peut lui trouver). Mais ici, il montre qu’il est réellement capable de bien jouer. Donnant un charme fou à son personnage mais également au film, via sa voix-off (utilisée lors des présentations et du dénouement, montés d’une manière énergique et comique, qui prouve que nous avons-là un film et non une pièce de théâtre).
Leur savoir-faire, ils ne le dévoilent pas que par leur prestation à jouer les scènes. Mais plutôt à les vivre. Et pour cela, ils arrivent sans aucun mal à débiter chaque réplique mordante que propose le script. Des citations qui ont de quoi devenir d’anthologie ! Avec une fluidité exemplaire, des mots bien placés, des expressions sorties de nulle part, livrées avec un tac-o-tac impressionnant de réalisme. Rendant l’ensemble jouissif et certains moments vraiment forts au niveau du sujet de la discussion en question.
Comme quoi, ne jamais se fier à une bande-annonce ! Au risque d’être attiré par un mauvais film ou bien d’être repoussé par un excellent cru. Et c’est bien dans la seconde catégorie que se place Le Prénom, comédie mi-théâtrale mi-cinématographique grandement intelligente, brillamment jouée et marquante, tout simplement ! L’adaptation de pièce de théâtre a encore de beaux jours devant elle !