Véritable figure (j'aurais pu dire "gueule") politique du Languedoc-Roussillon depuis 40 ans, Georges Frêche s'est éteint en 2010, et ce documentaire est le témoignage d'une ultime campagne menée à tambours battants.
Sans aucune voix off, aucune musique, Yves Jeuland a filmé durant 6 mois les préparatifs, le combat, les réunions, les dérapages, et tout cela sans la moindre censure ni langue de bois, car on ne dira jamais assez à quel point ce documentaire est remarquablement mis en scène.
Ce film est un incroyable plaidoyer pour la liberté d'expression ; à l'heure où la communication tend dangereusement vers l'uniformisation, cet homme a su ruer dans les brancards. La question n'est pas de savoir si ses dérapages sont plus ou moins justifiés, ils ont su faire parler de lui, qui a du répondant face aux journalistes parisiens, mais c'est surtout qu'il assume parfaitement ses choix, ce qui agace particulièrement ses attachés de presse et autres communicants.
D'ailleurs, ces derniers sont vraiment présentés comme des mouches autour d'un pot de vinaigre ; tour à tour faux-culs (ils louent la parole de Frêche devant lui, mais le fustigent en son absence en lui reprochant de n'en faire qu'à sa tête) ou alors rois à la place du roi, ils essayent sans arrêt de le recadrer. Il est d'ailleurs incroyable de savoir qu'ils n'ont pas l'air de se rendre compte d'être filmés, car ils passent vraiment pour des imbéciles. D'ailleurs, Frêche les écoute surtout, les laisse parler, mais laisse exploser son énergie intérieure lors de débats (radio, télévisés), où la consternation semble se lire sur les collaborateurs.
Cela dit, et je suis apolitique, ce documentaire montre bien comment un homme qui se dit gougnafier, arracheur de dents, bruyant jusqu'à déranger les sommets de son partie, politiquement incorrect, peut avoir autant réussi à conquérir son suffrage ; parce qu'il a l'air emporté par on sujet, son envie d'être proche de ses concitoyens.
Souffrant d'un problème de hanche (on le voit marcher avec une canne), Frêche parait plutôt sur la défensive lors de la préparation de ses débats. Mais une fois sur scène, qu'on peut nommer ainsi car il joue de réelles représentations, il réussit à mettre tout le monde dans sa poche de par sa conviction profonde, dénuée d'arrières-pensées pécuniaires (il dit n'avoir besoin que de 23 euros pour se faire couper les cheveux), sa réelle proximité auprès des petites gens ; peut-être est-ce là son succès populaire auprès des habitants de Montpellier, dont il a été maire depuis 27 ans.
Aujourd'hui, on retient surtout Georges Frêche pour ses dérapages verbaux, mais il ne faut pas oublier quel homme il fut, et ce formidable documentaire nous le rappelle.
La forme assez particulière ne doit pas vous empêcher de vous délecter, et c'est le mot, d'un grand film, où l'on retiendra une absence totale de censure. Pour moi, ça représente la politique comme je ne l'ai jamais vu.