- Pourquoi moi ?
- Mais parce que je compte gouverner non seulement avec votre agrément mais avec votre appui. Mais j'aimerais que mon entrée à Matignon soit le départ d'une nouvelle collaboration. Secrète, mais totale.
- Ce que vous venez de me dire me flatte, Chalamont.
- Je vous en prie.
- Si, si. Pour des raisons particulières, je vous ai longtemps pris pour un salaud et je constate avec plaisir que là aussi, j'avais 15 ans d'avance.
Les coulisses du pouvoir en France
« - Tout le monde parle de l'Europe. Mais c'est sur la manière de faire cette Europe que l'on ne s'entend plus. C'est sur les principes essentiels que l'on s'oppose. Pourquoi croyez-vous messieurs, que l'on demande au gouvernement de retirer son projet d'union douanière ? Parce qu'il constitue une atteinte à la souveraineté nationale ? Non, pas du tout. Simplement parce qu'un autre projet est prêt.
- C'est faux !
- Un projet qui vous sera présenté par le prochain gouvernement.
- Monsieur le Président, je vous demande la permission de vous interrompre.
- Ha non ! Et ce projet je peux d'avance vous en énoncer le principe. La constitution de trusts horizontaux et verticaux et des groupes de pression qui maintiendront sous leur contrôle non seulement les produits du travail mais les travailleurs eux-mêmes. On ne vous demandera plus messieurs de soutenir un ministère, mais d'appuyer un gigantesque conseil d'administration. »
Le texte interroge sur la vision prophétique ou désillusionnée que peuvent avoir deux membres d'une chambre parlementaire lorsqu'ils discutent de la construction européenne. Avec la situation actuelle de l'Europe qui semble être dans un état catastrophique, les conséquences sur les Français dans plusieurs domaines sont de plus en plus préoccupantes. Cette observation conduit à se demander quelle aurait été la réaction du cinéaste si celui-ci était au courant de la situation actuelle. J'imagine qu'il aurait éprouvé une certaine déception quant à l'incapacité des dirigeants à prévoir et à résoudre les problèmes de l'Europe. Surtout, une véritable colère devant le résultat honteux du traité de Lisbonne, qu'il faut considéré comme une trahison de la démocratie. Le peuple français avait voté contre ce traité lors du référendum de 2005, mais cette décision a été ignorée par les dirigeants. Le peuple aurait mal choisi, donc il faut passer outre. Longue vie à la République et à la France. Une amertume évidente que l'on peut traduire comme une véritable satire puisque le film dont il est question ici met en avant la défiance des citoyens envers leurs dirigeants qui eux-mêmes en appelle à la stabilité politique pour retrouver cette confiance perdu. Résultat : on se retrouve en 2005 face à une trahison de la démocratie, considérée comme une atteinte à la liberté du peuple de choisir son propre destin.
Le Président, de Henri Verneuil est un film de politique-fiction, adapté du roman du même nom de Georges Simenon, qui met en scène une lutte de pouvoir entre le Président du Conseil de la France de la IIIème République et les membres du gouvernement autour de la question européenne. Un sujet sensible qui déjà à l'époque suscitait des vives réactions autour de la politique gaullienne. En termes de thèmes, le récit explore les conséquences du pouvoir, ses limites et ses dangers. Le Président est confronté à des membres de son propre parti qui cherchent à le renverser pour prendre le pouvoir, ce qui met en lumière les rivalités internes et les compromis nécessaires en politique. Le Président, lui-même, n'est pas exempts de bassesses, et le récit montre comment les relations financières et les transactions peuvent influencer les décisions politiques, notamment la corruption. Il souligne les limites du système politique français, en particulier l'antiparlementarisme et le manque de transparence. Le thème de l'antiparlementarisme est une question importante abordée entre le délit d'initié et l'adhésion à l'Union douanière européenne. Les rivalités politiques et les médias biaisés créent un climat de méfiance envers les institutions démocratiques, ce qui met en danger la stabilité politique et la confiance des citoyens envers leurs dirigeants. En outre, le film aborde les compromis et les alliances politiques, qui sont une réalité de la vie politique. Les personnages doivent faire face à des choix difficiles en matière de stratégie politique, montrant comment ces choix peuvent être motivés par des intérêts personnels plutôt que par des convictions idéologiques.
Sur le plan technique, Le président est un long-métrage très bien réalisé. Henri Verneuil, qui a également écrit le scénario avec Michel Audiard, propose un récit méticuleux à travers des dialogues percutant. Le cinéaste montre une grande maîtrise de la mise en scène, créant une atmosphère intense et dramatique qui maintient l'intérêt du spectateur tout au long. Une conception ultra-réaliste, proche du documentaire, d'une froideur implacable. Petit regret au niveau de la teneur de l'intrigue principale, dont on devine trop facilement la résultante. Une simplicité dans la finalité qui fait un peu tâche au sein de la complexité politique explorée. Une conduite certainement volontaire pour ne pas perdre les spectateurs. Les plans sont bien cadrés et la photographie de Louis Page est également impressionnante, donnant une esthétique visuelle cohérente et soignée au film. De plus, les décors de Jacques Colombier ajoute au réalisme, notamment les scènes situées à La Verdière. La musique de Maurice Jarre, est également une des forces de cette proposition atypique. Une bande originale discrète mais évidente, ajoutant une dimension émotionnelle supplémentaire au récit, soulignant les moments de tension et de drame.
Le film est porté par un casting solide, avec Jean Gabin qui sous les traits d' Émile Beaufort, incarne de manière convaincante un ancien président du Conseil qui croit en la démocratie et en l'importance du parlement. Cependant, il doit faire face à des membres de son propre parti qui sont prêts à trahir leur idéologie et à s'associer avec des partis d'opposition pour obtenir le pouvoir. Cette trahison des idéaux politiques traditionnels et l'abandon des convictions pour des gains personnels contribuent à renforcer le sentiment d'antiparlementarisme. Le résultat est captivant, qu'il s'agisse des séquences du passé où l'on peut le voir exercer le pouvoir, ou des séquences du présent où il est à la retraite et malade, et se concentre sur la rédaction de ses mémoires, qu'il dicte à sa secrétaire, Mlle Milleran. Gabin apporte à son personnage une grande crédibilité et une présence charismatique, reflétant les qualités d'un leader politique expérimenté et endurci. Les autres acteurs sont également excellents dans leurs rôles, en particulier Bernard Blier. Blier incarne de manière convaincante le personnage de Philippe Chalamont, député, ancien directeur de cabinet de Beaufort. C'est un homme politique ambitieux et manipulateur qui cherche à renverser le président en tirant un maximum de bénéfices.
CONCLUSION :
Le Président, de Henri Verneuil est un film remarquable sur le plan technique, porté par un casting solide et une réalisation maîtrisée, qui contribuent à renforcer l'impact émotionnel et politique du récit. Une histoire qui montre les limites du rouage politique et l'importance d'une transparence accrue pour rétablir la confiance des citoyens envers leurs institutions démocratiques. Une critique soulignant la nécessité de l'intégrité et de la loyauté dans la vie politique, ainsi que l'importance de se battre pour ses convictions.
Un film désabusé de son idéologie.
- Et dire que vous avez failli m'avoir ! Vous êtes intelligent, Chalamont. Comme la plupart des salauds d'ailleurs. Vous savez qu'il y a des hommes que l'on peut acheter avec une enveloppe ou un bout de Légion d'honneur. Moi, vous avez essayé de m'avoir par la vanité. Ce que vous venez de faire est ignoble.
- Mais, monsieur le Président, permettez-moi de vous demander des explications.
- Vous êtes de la plus grande de lâcheté : celle de l'esprit. Et c'est pour ça, Chalamont, que je ne vous laisserai jamais prendre le pouvoir. Parce que c'est une saloperie de venir au pouvoir sans avoir une conviction à appliquer.
- Je ne serai pas le premier.