Chaque tour de magie comporte trois parties, ou actes. Le premier s’appelle la promesse : le magicien vous présente quelque chose d’ordinaire. Le deuxième acte s’appelle le tour : le magicien utilise cette chose ordinaire pour lui faire accomplir quelque chose d’extraordinaire. Mais vous ne pouvez vous résoudre à applaudir, parce que faire disparaître quelque chose est insuffisant, encore vous faut-il le faire revenir. Alors vous cherchez le secret mais vous ne le trouvez pas parce que, bien entendu, vous ne regardez pas attentivement. Vous n’avez pas vraiment envie de savoir… Vous avez envie d’être dupé.
Le Prestige est un film que je classe facilement parmi mes films préférés. Découvert il y a déjà sept ans, il m’a pourtant laissé le souvenir indélébile d’un film captivant, retors, et aux twists renversants. C’est une marque de fabrique assez commune aux films de Nolan, mais c’est celui chez lequel cela m’a le plus marqué. Et l’avoir redécouvert il y a quelques jours n’a en aucun cas changé mon impression sur ce film, un véritable tour de magie de deux heures.
Le Prestige, c’est une quête de vérité dans un monde de fantaisies et de faux-semblants. L’univers de la magie, si éblouissant en tant que spectateur, devient amer et machiavélique dans la vraie vie. Ce que fait ici Christopher Nolan, ce n’est pas simplement mettre en scène la rivalité intestine entre deux prestidigitateurs cherchant à réaliser le tour le plus bluffant de l’histoire quelque part à l’orée du XXe siècle. Son but, c’est bien de mettre le spectateur face à un tour de magie grandeur nature, le tour ultime de la vie, la grande mascarade qui fait que nous ne discernons plus ce qui relève du spectacle et de la réalité. Bien sûr, les facteurs menant à cette rivalité à la fois vengeresse d’un côté, et rédemptrice, motivée par une volonté de sortir de l’ombre et s’accomplir, de l’autre, sont tout à fait rationnels et humains.
Cependant, il s’avère que le film suit un schéma narratif particulier, dont le parallèle avec le déroulement d’un tour de magie s’établit rapidement. D’abord, Nolan nous présente quelque chose d’ordinaire, deux magiciens qui travaillent en équipe, et dont le destin va être bouleversé par un drame tragique en pleine représentation. Ensuite, il utilise cette situation pour pousser les deux magiciens dans leurs propres retranchements, à exploiter tout le potentiel de leur talent et de leur ingéniosité pour se piéger l’un l’autre à travers des tours toujours plus poussés, voire, finalement, inexplicables. Enfin, se dévoile la pièce maîtresse, le prestige, la réapparition, le parachèvement d’un tour spectaculaire dont le spectateur, toujours dubitatif tout du long, se rend compte de l’évidence, et qu’il a été berné.
La clé du film réside donc, tout simplement, dans la citation ci-dessus. Avec Le Prestige, Christopher Nolan, réalisateur connu pour ses intrigues complexes, se mue ici en magicien pour émerveiller son spectateur, le berner, le faire douter… On pourrait le reprocher d’être prévisible dans son dénouement, mais n’est-ce pas là non plus, parfois, le lot des tours de magie ? Une solution qui paraît évidente, mais pourtant le magicien parvient à nous distraire et à nous faire douter suffisamment pour nous égarer, ce qui est indubitablement le cas du Prestige. Doté, de surcroît, d’un casting de haut vol, il vient également interroger sur les limites de notre connaissance, autre thème cher à Nolan, qu’il s’agisse du rêve dans Inception (2010) ou du temps et de l’espace dans Interstellar (2014).
Ce n’est pas son film le plus connu, mais très probablement mon préféré. Nolan réalise ici un film tout en maîtrise, tant sur l’ambiance, que les acteurs, l’intrigue et son déroulement. Je vous invite donc, si ce n’est pas dans le cas, à entrer dans la salle, à vous installer, et à vous laisser emporter. Ne cherchez pas à comprendre, vivez, rêvez et admirez. « Abracadabra ».