Film trop méconnu, "The Prestige" avait pourtant tout pour rencontrer un honnête succès public : sujet fascinant - l'illusion a toujours attiré le grand public, non ? - acteurs sexy, scénario de polar retors. C'est pourtant un objet bizarre, sans doute trop ambitieux (la narration temporellement éclatée, qui n'a rien d'évident et demande une concentration inhabituelle de la part du spectateur) et "artistique" (il y a de vrais choix esthétiques derrière la patine habituelle du film en costumes), et le basculement à mi-course vers une sorte de Fantastique / SciFi passéiste n'arrange pas la donne : soit on se laisse fasciner par ces destins tordus d'hommes dévorés par leur passion - leur travail - et qui y sacrifieront tout, et dans ce cas, le film de Christopher Nolan est incontestablement touchant, voire fort, soit on prend mal à la tête et on choisit de sourire devant les excès d'une double révélation finale (dirais-je même quadruple ?) qui renvoie dos à dos dans un même échec inhumain les basses tricheries familiales ("un jour, tu m'aimes, un jour tu ne m'aimes pas", sans doute la plus belle trouvaille du scénario) et les ambitions délirantes de la science. A ce propos, notons qu'il s'agit là toujours à date de la dernière apparition "professionnelle" de Bowie, certes mauvais acteur, comme toujours, mais curieusement émouvant dans un rôle de génie désorienté. [Critique écrite en 2012]