Un an après la Fox (Anastasia) et peu après Warner (Excalibur l'épée magique), le trio Spielberg/Katzenberg/Geffen de Dreamworks faisait ses premiers pas dans sa tentative d'enrayer le monopole de Disney sur cet énorme marché de l'animation. Ex-numéros 2 de la firme aux grandes oreilles, Jeffrey Katzenberg savait que pour concurrencer son ancien employeur sur ce terrain, il fallait se démarquer absolument. Il prenait donc des risques avec le public habituel des dessins animés traditionnels, le Prince d'Egypte n'étant pas un film ciblé pour les plus jeunes : pas d'animal rigolo compagnon du héros, pas de numéros musicaux, mais des images fortes et marquantes, comme celle du fils mort de Ramsès. Le choix qui s'est porté sur la vie de Moïse s'avère intéressant, et si on a vu les Dix commandements, on connait l'histoire. Tout le talent des concepteurs réside alors dans l'esthétique et le traitement ; on a quand même l'impression que les scénaristes ont juste assuré, car même si l'accent a été mis sur l'impossible fraternité entre Moïse et Ramsès, l'histoire du libérateur du peuple juif est résumée comme dans un manuel scolaire, avec ses grandes pages illustrées : la rencontre avec les filles de Jethro, le buisson ardent, les 10 plaies d'Egypte, l'épisode de la mer Rouge etc...
Heureusement, la mise en scène inspirée des 3 réalisateurs et le grandiose de certaines séquences (la course de chars entre Moïse et Ramsès, l'ouverture des eaux de la mer Rouge) peuvent égaler celles des Dix commandements de Cecil B. De Mille, sans compter que le design est somptueux, en dépit de personnages dessinés un peu anguleux, l'animation est bluffante, les décors superbes, et le casting vocal US de rêve achève de séduire (Val Kilmer, Jeff Goldblum, Patrick Stewart, Sandra Bullock, Danny Glover, Michelle Pfeiffer, Ralph Fiennes...). C'est somptueux mais imparfait, car il y a quand même trop de chansons qui ralentissent l'action, et la fin est un peu trop soudaine. Ceci dit, il serait dommage de bouder ce film qui reste un spectacle agréable, un joli coup d'essai qui a permis à Dreamworks de continuer dans cette voie, même si la firme a vite abandonné l'animation traditionnelle pour la 3D.