Etrange projet que celui-ci, Dreamworks propose avec Le Prince d'Egypte un film aussi singulier qu'étonnant. Alliant lyrisme et fulgurances esthétiques, voilà un long-métrage d'animation qui mérite que l'on s'attarde sur son cas.
J'ai toujours eu un rapport particulier avec Le Prince d'Egypte, je me souviens l'avoir vu très tôt quasiment dès sa sortie, donc à sept ou huit ans. D'ailleurs c'est ce qui me permet notamment de dire qu'il ne s'agit pas là d'un film destiné aux plus jeunes, c'est indiscutable. Quand bien même certaines séquences de la première moitié du film comportent quelques passages plus familiaux et drôles, il n'en demeure pas moins que le film en lui-même s'avère sombre et plus "adulte", bien que je n'aime pas trop cette qualification là. Il est indéniable que Le Prince d'Egypte n'a pas plusieurs niveaux de lecture, c'est une illustration de l'histoire de Moïse du livre de l'Exode, rien d'autre. J'ai beau retourner la chose dans tous les sens, je n'arrive pas à y voir autre chose.
Certes il y a bien la question du devoir et de la fraternité, mais ce sont déjà des éléments clés que le cinéma a narré concernant cette histoire précisément. Rien de nouveau sous le soleil de ce côté-ci, même si le résultat dans le film n'en demeure pas moins puissant et fort. La relation complexe entre Moïse et son frère d'adoption Ramsès est parfaitement réussie. De manière générale tous les personnages sont habilement écrits, et le plus important c'est que chacun existe et trouve sa place dans le long-métrage. Les chansons sont notamment un bon moyen de présenter toute la galerie de protagonistes.
Puisque l'on parle des chansons justement, il faut souligner la qualité d'écriture de ces dernières. Stephen Schwartz signe des chansons puissantes et entêtantes, The Plague bien sûr mais aussi Deliver Us qui ouvre le film, sont deux morceaux particulièrement forts et parfaitement conjugués à la mise en scène. L'ouverture du film est d'ailleurs assez impressionnante, elle m'a toujours marqué, à l'instar du massacre des derniers nés hébreux par les fantassins de Pharaon et bien sûr la fuite de Moïse sur les eaux du Nil. Pour nous autres français, c'est Christian Dura qui signe la version française et il n'a clairement pas à rougir. Emmanuel Curtil est impeccable en tant que Moïse. Anecdote intéressante et que je n'ai appris que récemment, la chanteuse israélienne Ofra Haza qui incarne Yokébed, la mère de Moïse, reprend sa chanson dans la quasi-totalité des versions du film. Bien sûr il serait dommage de faire l'impasse sur l'excellent travail d'Hans Zimmer concernant les musiques. C'est en tout point excellent.
Le Prince d'Egypte est aussi donc un film musical, pas une comédie musicale pour autant, mais bel et bien un film qui s'écoute autant qu'il se regarde. Ne faire que l'écouter serait d'ailleurs dommage tant ses qualités d'animation sont saisissantes. Certaines séquences marquent la rétine, notamment ce passage en 3D illustré en peinture antique, comme celles qui ornaient les murs de l'époque. Le film foisonne de bonnes idées visuelles. Tout un panel d'images qui oscille entre la noirceur pure comme le démontre la séquence des dix plaies d'Egypte, et aussi l'onirisme comme ce passage du Buisson ardent. Bien sûr impossible d'omettre la séquence de la mer rouge séparée en deux. Cette scène me marquait enfant et elle me sidère toujours, elle caractérise à elle seule tout le ton du film, c'est aussi beau que sombre.
Dreamworks signe donc ici un film étonnant, à mes yeux l'un des long-métrages majeurs du studio tant pour sa force visuelle que pour sa portée narrative. Aborder l'Ancien Testament n'est jamais une entreprise aisée, encore moins quand il s'agit d'un film d'animation que l'on a toujours (à tort !) tendance à destiner en premier lieu aux plus jeunes. A voir !