Le Privé
7.6
Le Privé

Film de Robert Altman (1973)

Le film s’ouvre sur le réveil d’Eliott Gould ou Philip Marlowe le détective privé de Chandler. Il est réveillé par son chat. En fait tout le film d’Altman pourrait être condensé dans cette séquence. Séquence qui ouvre la narration, qui va donner au film sa tonalité, son rythme si particulier, mais qui peut aussi jouer le rôle de transition. C’est un réveil gueule de bois et on ne sait pas depuis combien de temps Marlowe était allongé là. D’une certaine manière ce réveil est une résurrection. Marlowe semble avoir dormi une trentaine d’année, et erre comme une âme en peine, dans le Hollywood des 70’s, en agissant comme s’il était encore dans les 30’s. Cette idée là n’est pas seulement à la base du concept du film mais elle en est tout le sujet. En effet Altman choisi de transposer un roman de Chandler dans une autre époque plutôt que de faire un travail de reconstitution historique. Mais tout le film, chaque personnage, chaque enjeu narratif, chaque mouvement de caméra, est guidé par cette idée. Le privé est un film sur l’illusion. Chaque plan transpire ça. Ce n’est pas un hasard si le cadre est celui d’Hollywood. Altman choisi un décor où la frontière entre le réel et le faux est très fine. Hollywood est un monde à part, où le souvenir, la nostalgie d’un passé, qu’il soit fictif ou non, semble planer sur chaque éléments, chaque habitants.
Mais là où le film est très beau et très fort, c’est que ce sentiment-là, que partage les personnages, chacun dans un comportement ou une obsession particulière, ne parvient pas non plus à transformer totalement le plan. Ce que filme Altman, c’est bien les années 70. Mais les années 70 vue à travers les yeux de ce héro paumé et des personnages qui l’entourent. D’où un décalage qui se crée. Décalage qui engendre des situations tout autant absurdes et drôles que tristes et mélancoliques.
Pour en revenir à cette première séquence, tout est déjà là. Marlowe est réveillé par son chat, son unique compagnon, l’unique lien qui le rattache au monde. Le chat a faim, mais ne veut manger que sa pâtée préférée. Or il n’y en a plus, et Marlowe, par on ne sait qu’elle motivation, va tenter de le tromper en remplaçant sa pâtée par une autre. L’effet d’illusion ne prend pas, le chat n’y touchera pas et s’enfuira. Il y a ce côté-là dans le film d’Altman tout au long du film, comme je disais : imitations d’acteurs, effet miroir dans des vitres, intrigue en trompe l’œil,…
Mais c’est aussi le cas du film en général. Le spectateur attendait peut être quelque chose de cette adaptation de Chandler que le cinéaste a tenté de remplacer par autre chose. Mais le spectateur ne partira pas comme le chat, car la pâtée servie est délicieuse.
C’est en effet un film génial, où les références sont utilisées de façon subtile, mais surtout intelligente, avec un vrai propos passionnant. Mais c’est surtout un vrai film de cinéma bourré de scènes d’anthologies, de dialogues brillants, et dans lequel Goud, incarnation désabusée et ironique d’un Bogart sous tranxène, totalement largué et en retard sur les évènements qui se déroulent, traine clope au bec sa carcasse endormie. It’s okey with me !
Teklow13
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste TOP 10 FILMS 1973

Créée

le 10 oct. 2012

Critique lue 794 fois

24 j'aime

Teklow13

Écrit par

Critique lue 794 fois

24

D'autres avis sur Le Privé

Le Privé
Docteur_Jivago
9

The Long Goodbye

Après Humphrey Bogart et avant Robert Mitchum, c'est au tour de Elliott Gould d'enfiler le costume du détective privé Philip Marlowe, personnage imaginé par l'écrivain Raymond Chandler à la fin des...

le 6 sept. 2014

41 j'aime

7

Le Privé
Gand-Alf
9

Marlboro Man.

Mon été cinématographique aura été placé cette année sous le signe de Turner Classical Movies. Face aux nouveautés fades proposées par les grandes chaînes payantes, TCM m'aura offert une belle...

le 2 sept. 2014

32 j'aime

Le Privé
Teklow13
9

Critique de Le Privé par Teklow13

Le film s’ouvre sur le réveil d’Eliott Gould ou Philip Marlowe le détective privé de Chandler. Il est réveillé par son chat. En fait tout le film d’Altman pourrait être condensé dans cette séquence...

le 10 oct. 2012

24 j'aime

Du même critique

Amour
Teklow13
8

Critique de Amour par Teklow13

Il y a l'amour qui nait, celui qui perdure, celui qui disparait, et puis il y a celui qui s'éteint, ou en tout cas qui s'évapore physiquement. Si certains cinéastes, Borzage, Hathaway, ont choisi de...

le 22 mai 2012

88 j'aime

11

Mud - Sur les rives du Mississippi
Teklow13
5

Critique de Mud - Sur les rives du Mississippi par Teklow13

J'aime le début du film, qui débute comme un conte initiatique. Nichols parvient à retranscrire d'une jolie façon le besoin d'aventure, de mystère, de secret que l'on peut ressentir durant l'enfance...

le 31 mai 2012

58 j'aime

4

Les Amants passagers
Teklow13
2

Critique de Les Amants passagers par Teklow13

Le film possède une dimension métaphorique et repose sur une image politique plutôt intéressante même si déjà rabattue, à savoir assimiler un avion à la société actuelle, en premier lieu la société...

le 26 mars 2013

55 j'aime

4