Running man
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L'existence même du film d'Yves Boisset est un énorme bordel qu'il est bon de résumer. A l'origine, il y a une nouvelle de Robert Sheckley publiée en 1958. Stephen King écrit un roman au sujet similaire au début des 70's (Running Man), mais arrive à le publier seulement la décennie suivante sous le pseudonyme Richard Bachman. En 1983, Yves Boisset adapte la nouvelle de Sheckley et une adaptation du roman de King finit par sortir en 1987 avec Schwarzy. Trouvant qu'il y avait beaucoup de ressemblances entre les deux films, Boisset et son équipe portent plainte contre celle de Paul Michael Glaser. Starsky aura beau se justifier qu'il s'est inspiré principalement du roman de King (qui ne sera visiblement jamais inquiété dans l'histoire, bien qu'il se soit bien inspiré de la nouvelle pour son roman), Running man est considéré comme un plagiat du film de Boisset en première instance. Les américains font appel et gagnent, avant de perdre à nouveau en cassation. Au final, les français perdront plus de plumes qu'autre chose, les frais d'avocats et la procédure longue ayant mené à beaucoup de dépenses.
En effet, les deux films ont des sujets très similaires (une émission de chasse à l'homme où des candidats doivent se sauver d'assaillants armés et prêts à tout pour les liquider) et on comprend rapidement la plainte du réalisateur. La différence vient avant tout du traitement. Running Man est un film bourrin comme en faisait déjà à la pelle Schwarzy dans les 80's, avec son lot de punchlines et de scènes aussi grotesques que fun. Le prix du danger en est très loin et se présente comme plus sombre et subversif. Voire visionnaire vu comment la télévision a curieusement repris au premier degré certains des codes télévisuels exposés dans le film.
Feu Marie-France Pisier fait d'ailleurs un discours très révélateur devant un public déjà acquis à la cause :
"C'est vous qui exigez le spectacle comme Le prix du danger. La CTV est à votre service. Nous vous donnons les spectacles que vous voulez. Je sais que vous aimez les beaux spectacles. Je sais que vous voulez encore plus de sang, plus de violence, plus de carnage. Hé bien nous vous en donnerons ! "
Après tout, s'il demande du sexe et de la violence, pourquoi ne pas lui en donner ? D'autant qu'au cours du film, on apprend que certains politiques laissent faire car la chaîne leur graisse la patte. Ce qui renforce la supériorité de la CTV, ayant un droit de vie et de mort sur ses candidats et plus longtemps ils restent à l'antenne, plus l'audience monte.
Le candidat incarné par Gérard Lanvin est différent, car contrairement aux autres, il ne se laisse pas faire et même s'il ne le fait pas exprès, va se retrouver avec les cadavres de plusieurs de ses poursuivants sur son chemin. Mais là encore, la chaîne tient toutes les ficelles et se chargera de lui en temps voulu. Ce qui rend Le prix du danger d'autant plus vicieux et impressionnant. En 1983, la téléréalité n'existait pas, mais la télévision s'est vite mise au sensationnalisme, n'hésitant pas à mettre ses cameramen au centre d'événements dangereux ou à vouloir tout montrer quitte à choquer. Dans le cas du film de Boisset, on nous montre les prémices de la téléréalité avec les moments croustillants remontrés plusieurs fois, des scénarios montés de toutes pièces pour créer des personnages télévisuels, de la violence montrée en long, en large et en travers, tout en précisant que ce n'est pas bien ; et un présentateur se présentant comme un père LaMorale, alors qu'il est aussi douteux que ses patrons. Comme demander au cameraman de ne pas rater le crash d'un des candidats. Ou en paradant tout sourire avec la femme d'un candidat mort, arborant un chèque comme si cela allait remplacer son mari. Michel Piccoli est absolument monumental, incarnant un personnage cynique au possible et qui anticipe un très grand nombre de présentateurs qui joueront sur les mêmes atouts. La différence est que ce ne sera plus du cinéma ce coup-ci.
Les autres acteurs s'avèrent tout aussi convaincants, de Pisier à Lanvin, en passant par Bruno Cremer patron de chaîne aux justifications odieuses, mais terriblement logiques. Le prix du danger est un film important autant que polémique et s'il était un récit d'anticipation à l'époque, il se rapproche considérablement de la réalité désormais.
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Créée
le 23 mai 2020
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