O.Wells adapte Kafka et met en scène une œuvre visuelle puissante, pour nous plonger dans le combat d'un homme, face à une bureaucratie tentaculaire et totalitaire. La destinée incontrôlable de K pris dans les filets d'une justice aux jeux d'influence, invisible mais d'autant plus dangereuse, où le profane, est voué à l'échec. La situation proprement hallucinatoire mêle le rêve face à l'absurdité de ce qui arrive à K, au cauchemar éveillé dans son cheminement face à l'imbroglio de sa situation. Dès le prologue et la parabole animée sur la justice, où l'homme attendra bien longtemps qu'elle lui soit accessible la voix off nous apprend que Ce conte est raconté dans une histoire intitulée Le Procès. Et qu'il est dit que la logique de cette histoire est la logique d'un rêve... ou d'un cauchemar. Welles nous fait douter et profite pour adapter cette dystopie à son époque. Il retranscrit l'absurde par le travail à la chaîne qui abruti les employés, ou les méandres de la justice propre à lasser quiconque devant y faire appel, nécessitant un plan pour se déplacer au grès des couloirs et autres bureaux fermés, et où le verbe manipulé, les phrases absconses et les dialogues de sourds, sont légion.
Les décors aux structures métalliques, et verrières de la gare d'Orsay,, sont mis en valeur par des plans géométriques toujours efficaces, et la gestion de l'espace, est parfaitement évocatrice de la perte de repères. Welles suit K confronté aux décors gigantesques, l'écrasant et le ramenant à sa petitesse, le suit dans les pièces minuscules ajoutant à l'oppression, le perd dans les méandres des lieux ou aux extérieurs tout autant cauchemardesques.
Le cinéaste joue du théâtre et du décalage de certaines situations. Par l'opacité des textes de Loi suggérée par un manifeste aux images pornographiques, hors propos, ou d'un public applaudissant K en pleine représentation, au monologue exacerbé et inutile, défiant la justice au lieu d'attendre les explications. Ce seront aussi toutes ces femmes qui suivent le parcours de K, semblant l'aider mais ne répondant qu'à ses fantasmes, un oncle vindicatif, un avocat alité et un juge vivant dans un grenier, tous ces personnages improbables, ne renvoient qu'à la seule vanité de son parcours.
Un Harry Tuttle perdu dans les méandres de son administration, un Don Quichotte ou un Sisyphe des temps modernes, se battant contre des moulins, ou revenant sans cesse au même point, mais aussi tous ceux soumis à la vindicte des systèmes judiciaires. K pouvant être n'importe lequel d'entre nous, dans une société déshumanisée où tout innocent finit coupable et où la justification à tendance à vous accuser et renforce le sentiment de culpabilité.
L'homme est seul et sans recours, se laisse mener et se résigne finalement à la seule porte de sortie offerte.
A.Perkins colle à son personnage, dérivant lentement de la maîtrise, à la fois hautain et léger, et faisant partie intégrante du système, à l'incompréhension et à la paranoïa et se confrontera à sa propre morale.
Une réussite.