Enthousiasmé par les retours qui ont suivis sa projection à Cannes, je suis allé au cinéma voir Le Procès du chien, une comédie française et premier film de l'actrice/réalisatrice Lætitia Dosch. Le casting fait plutôt rêver puisque François Damiens, Jean-Pascal Zadi, Anne Dorval et bien sûr le chien Kodi entourent Dosch qui tient le premier rôle. En quelques mots, c'est l'histoire d'Avril (Læetitia Dosch), avocate, qui accepte de défendre Dariuch (François Damiens), pauvre hère malvoyant dont le chien Cosmos (Kodi) a mordu et défiguré son ancienne locataire. La victime est défendue par Maîtresse Roseline Bruckenheimer (Anne Dorval), avocate mais surtout politicienne réactionnaire ayant la mairie dans le collimateur. Rapidement, le procès du maître se transforme en procès du chien, avec une question centrale au cœur du débat: Cosmos est-il responsable de ses actes ?
C'est un premier film donc je pardonne volontiers l'aspect occasionnellement brouillon du scénario. Le jeune ado voisin d'Avril, battu par son père, et son patron qui la harcèle sexuellement sont deux intrigues dont les thématiques ne sont pas vraiment exploitées et qui peinent à former un ensemble cohérent avec le procès. Toutefois, le scénario est de toute façon volontairement foutraque, avec une Avril dépassée par l'escalade de plus en plus invraisemblable des enjeux à mesure que l'affaire entre dans la sphère médiatique. La « personalité » de Cosmos le chien est examinée sous toutes les coutures, d'abord par un juge bien sûr, puis par un comité d'éthique multiconfessionnel, par des comportementalistes et, obligatoire en 2024, par les réseaux sociaux. Même si le tableau d'ensemble est parfois bordélique, le film arrive à être le plus souvent drôle et même touchant à plusieurs reprises. Il y a bien quelques gags qui se plantent mais ils sont vite effacés par les suivants. J'apprécie que les personnages féminins soient bien exploités et toujours en première ligne, même dans la difficulté. Si Avril est souvent mise à mal, elle est toujours aux commandes et j'ai adoré son duel voir Roseline, sorte de Marine Le Pen rose bonbon jusqu'à l'interview avec son animal de compagnie. Le quatuor de personnages principaux tire le film vers le haut, notamment les interactions Zadi/Dosch et Damiens/Dosch qui sont particulièrement drôles.
Du point de vue technique, c'est propre avec une image très jolie et une mise en scène qui, sans être fofolle, parvient à soutenir le chaos du scénario. La musique ne m'a pas marqué outre mesure, ce qui est à la fois une bonne et une mauvaise chose : elle est à sa place sans pour autant s'imposer.
Si j'avais quelques critiques, c'est que Le Procès du chien sombre par moments dans la facilité. Typiquement, j'ai trouvé la réaction « du grand public » vis à vis du procès particulièrement caricaturale. D'un côté, Cosmos est accusé de misogynie car il n'a mordu que des femmes, ce qui lui vaut l'opprobe des organisations féministes (notamment les Femen). De l'autre, il reçoit le soutien forcené des associations antispécistes. Ce clivage me semble un peu forcé et mal à propos quand l'antagoniste du film, Bruckenheimer, offre déjà l'opportunité de mettre en scène un conflit entre un mouvement progressiste et une droite conservatrice et réactionnaire. Niveau humour, il y a quelques vannes un peu vulgaires qui ne sont pas franchement au niveau du reste mais je crois que c'est intentionnel. On voit peu de blagues crues dans des films réalisés et scénarisés par des femmes, donc je peux y voir une intention de casser un peu les codes, façon Girls.
En revanche, je me dois de saluer l'audace de la fin, dont le parti pris est assez fort et tranche radicalement avec les conclusions bâclées (hum, hum Dupieux) ou mollassonnes qui entachent la plupart des films français.
Bref, c'est une solide comédie que je ne regrette pas d'avoir vu. Je vous recommande Le Procès du chien sans réserve, à moins de détester viscéralement l'humour et les animaux.