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Une histoire passionnante, trois meurtres non résolus

Quand on tente la critique d'un film comme celui-ci, le sujet traité est si sensible qu'on peut avoir le sentiment de ne pas écrire en toute liberté.

Nonobstant, je vais essayer de donner mon avis aussi clairement que possible. J'ai trouvé le film passionnant, tant par son scénario (l'habileté avec laquelle cette histoire est scénarisée) que par sa réalisation.

Il faut dire que, aussi étonnant que cela puisse paraître, je ne connaissais, au préalable, rien de l'affaire Pierre Goldman (sauf qu'il était le demi-frère de Jean-Jacques, le chanteur et que celui-ci refusait catégoriquement de répondre à toute question relative à son frère).

Je suis resté captif du film pendant les 116 minutes de sa projection. Captif d'un huis-clos parfaitement reconstitué et photographié. Captif de la salle d'audience du tribunal d'Amiens où, en 1975, se déroule ce deuxième procès Goldman (procès en appel après annulation par la Cour de Cassation de celui qui, en première instance, l'avait condamné à perpétuité pour 3 vols à main armée et un 4ème au cours duquel deux pharmaciennes avaient été froidement abattues).

J'avais le sentiment d'assister à une sorte de combat, de match de boxe entre les accusateurs et les défenseurs d'un Pierre Goldman (communiste révolutionnaire tombé dans le gangstérisme) sombre, amer, hargneux, agressif, vitupérant, parfois incontrôlable, mais toujours clamant farouchement son innocence. Le défendaient pas moins de trois avocats, dont le depuis fameux Maître Kiejman. Et le prévenu lui-même participait à sa défense, accusant notamment ses contradicteurs de fascisme et d'antisémitisme. Et son affirmation : "Je suis innocent parce que je suis innocent !" m'a laissé perplexe ; elle veut dire quoi ? "Essayez de prouver que je suis coupable" ?

Le film étant sorti depuis plusieurs jours, je ne crois pas que je spoile grand chose en disant que, suite à ce procès en appel, Pierre Goldman a été acquitté du meurtre des deux pharmaciennes, grâce à une forte mobilisation en sa faveur de l'intelligentsia gauchiste parisienne (Sartre, Ionesco, Régis Debray, Simone Signoret...) orchestrant un renversement de tendance au niveau de l'opinion publique d'alors. Grâce aussi au talent de ses avocats, particulièrement de Maître Kiejman qui a su décrédibiliser, l'une après l'autre, les déclarations des six témoins à charge qui, tous, identifiaient Pierre Goldman comme l'agresseur de la pharmacie du boulevard Richard Lenoir (donc le meurtrier des deux pharmaciennes), décrédibilisant surtout le témoignage le plus accablant, celui de l'agent de police Quinet qui avait poursuivi, rattrapé et s'était battu en corps à corps, visage contre visage avec l'individu qu'il identifiait formellement comme Pierre Goldman, lequel avait pu finalement se dégager en lui tirant une balle dans le ventre et s'enfuir. Mettant en évidence des contradictions dans le témoignage capital de Quinet, maître Kiejman parvint à insinuer le doute dans l'esprit des huit jurés et comme le doute, dans la Justice française, doit bénéficier à l'accusé, Pierre Goldman fut acquitté des deux meurtres (mais évidemment pas des 3 vols à main armée qu'il avait reconnus).

Ainsi, le criminel ayant abattu les deux pharmaciennes n'a jamais été formellement identifié, ni judiciairement condamné.

Goldman, qui avait déjà fait six ans de prison (suite à sa condamnation en première instance) fut libéré trois mois après la fin de son procès en appel (remise de peine pour bonne conduite durant son internement) et, trois ans plus tard, fut tué par balles dans le 13ème arrondissement de Paris, dans des conditions mystérieuses qui restent non élucidées.

En fait, le film se termine sur son acquittement et les congratulations mutuelles de ceux qui l'ont emporté. Quant aux évènements ayant suivi le verdict, c'est un panneau qui le résume en trois phrases au spectateur, juste avant le générique final.

Comme dit plus haut, le film est superbement réalisé, tout à fait passionnant et, pour moi, sans aucun temps mort. Pour autant, est-il objectif ? Le jour, sous lequel il présente la plupart des témoins à charge et des enquêteurs de la P. J., est sinon biaisé, du moins très peu flatteur. Ainsi, le médecin qui, du haut de sa fenêtre (au 4ème étage), a vu le combat entre Quinet et, affirme-t-il, Goldman, apparaît comme un vieux con totalement rétro, et l'accusateur principal, l'agent Quinet, comme un bof à moitié demeuré, voire malhonnête. Quant à maître Garaud, avocat de la partie civile (et contradicteur de Maître Kiejman), théoriquement une pointure du barreau, il intervient assez peu durant le procès et fait une plaidoirie tout juste moyenne. Par contre, tous les projecteurs sont braqués sur Maître Kiejman / Arthur Harari et, bien sûr, Pierre Goldman / Arieh Worthalter qui, eux, sont très présents, très propres sur eux, accrocheurs, rigoureux et convaincants (en tout cas, pour ce qui est de Maître Kiejman) ; enfin, lui et l'autre avocat de la défense font des plaidoiries brillantes, émouvantes.

Je suis donc sorti de la salle convaincu de l'innocence de Pierre Goldman, mais le lendemain et les jours suivants, j'ai senti mes certitudes s'envoler graduellement.

Quoi qu'il en soit, le film de Cédric Kahn a pleinement réussi à m'intéresser à cette énigme judiciaire dont j'ignorais tout. Par son scénario, sa réalisation (mise en scène, photographie, montage), l'interprétation (des personnages principaux, car c'est moins vrai pour les personnages secondaires), Le Procès Goldman s'avère de très bonne qualité, franchement captivant.

P. S. La connaissance de cette affaire peut être complétée par la vidéo de l'émission télé "Faites entrer l'accusé" d'octobre 2020, présentée par Christophe Hondelatte : https://www.youtube.com/watch?v=g8vWlvAzzGA Elle donne un son de cloche assez différent.

Il semblerait en effet que, depuis la parution en 1977 de son roman L'Ordinaire Mésaventure d'Archibald Rapoport, la culpabilité de Pierre Goldman dans le meurtre des deux pharmaciennes ait retrouvé, au moins partiellement, les faveurs de l'opinion publique. Bref, une ténébreuse affaire, s'il en est.

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le 6 oct. 2023

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Fleming

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