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Une plongée captivante dans les arcanes de la justice et de la contestation

"Le Procès Goldman", réalisé par Cédric Kahn, est un drame judiciaire intense qui revisite l'un des procès les plus retentissants de l'histoire récente française : celui de Pierre Goldman, un militant d’extrême gauche accusé de meurtre en 1974. Inspiré par des faits réels, le film se déroule presque entièrement dans l’enceinte d’un tribunal, où la tension palpable et les affrontements idéologiques deviennent le cœur du récit. Avec une mise en scène sobre mais percutante, des dialogues incisifs et des performances d’acteurs remarquables, "Le Procès Goldman" s’impose comme un film captivant qui interroge sur la justice, l’engagement politique et la complexité de la vérité. Le film de Cédric Kahn est une œuvre marquante qui réussit à capturer la complexité d’un procès à la fois historique et profondément humain.


"Le Procès Goldman" se déroule presque entièrement dans le cadre restreint d’un tribunal, un choix de mise en scène qui intensifie l’aspect dramatique et psychologique du film. Dès le début, le spectateur est plongé au cœur du procès de Pierre Goldman, interprété par un brillant Arieh Worthalter, un intellectuel d’extrême gauche accusé de plusieurs braquages violents et du meurtre de deux pharmaciennes. Goldman, issu d’une famille de résistants juifs et connu pour ses engagements politiques radicaux, se retrouve au centre d’un tourbillon judiciaire où ses idéaux se confrontent aux lourdes accusations qui pèsent sur lui.


Le film ne cherche pas à recréer de manière spectaculaire les faits divers du passé ; au contraire, il se concentre sur l’aspect procédural et les échanges verbaux intenses qui animent le tribunal. Ce choix confère au film une tension dramatique presque suffocante, où chaque mot prononcé a une importance capitale. Cédric Kahn réussit à capter l’essence de ces débats en se concentrant sur les personnages, leurs motivations et leurs stratégies. La salle d’audience devient un véritable champ de bataille où la vérité, la justice et la morale s’affrontent sans merci.


La force du huis clos réside dans la manière dont il met en avant les personnalités des différents acteurs du procès : l’accusé bien sûr, mais aussi les avocats, les juges, les témoins et les jurés. Chaque personnage, aussi secondaire soit-il, contribue à tisser un tableau complexe de la justice, où rien n’est jamais tout à fait noir ou blanc. Kahn filme ces interactions avec une sobriété rigoureuse, laissant les dialogues et les regards faire tout le travail émotionnel. Cette approche réaliste donne au film une dimension presque documentaire, renforçant l’impression d’assister à un procès réel.


Le personnage de Pierre Goldman, incarné avec brio par Arieh Worthalter, est le cœur battant du film. Worthalter parvient à capturer toute la complexité de cet homme controversé : à la fois charismatique et arrogant, intelligent et provocateur, vulnérable et résilient. Goldman est un personnage fascinant parce qu’il refuse de se laisser réduire à une simple figure de victime ou de coupable. Il est un intellectuel brillant, dont les engagements politiques radicalisés par son vécu personnel — marqué par la guerre, l’exil et le militantisme — le placent souvent en opposition frontale avec le système.


L’interprétation de Worthalter est particulièrement remarquable dans sa capacité à rendre palpable le dilemme intérieur de Goldman : celui d’un homme en quête de justice, mais aussi d’une forme de rédemption personnelle. Il ne cherche pas à être aimé ou compris, mais à défendre ses convictions, parfois au mépris de sa propre défense. Le film ne prend jamais parti, laissant le spectateur libre de se faire sa propre opinion sur l’innocence ou la culpabilité de l’accusé. Ce traitement nuancé rend le récit d’autant plus captivant, car il évite le piège de la glorification ou de la diabolisation.


Les affrontements entre Goldman et le procureur, interprété avec une froide intensité par Arthur Harari, sont parmi les moments les plus forts du film. Ces joutes verbales, impeccablement écrites, révèlent non seulement les failles du système judiciaire, mais aussi celles de l’idéalisme de Goldman. Harari incarne un procureur tenace, déterminé à faire tomber l’accusé, mais dont les motivations semblent parfois motivées par une volonté de briser l’homme autant que de rendre justice. Ces scènes de confrontation sont d’une tension rare, soulignant l’ambiguïté morale qui entoure toute cette affaire.


Au-delà du simple récit judiciaire, "Le Procès Goldman" est une réflexion sur la justice et ses limites. Le film explore la manière dont les préjugés, les idéologies et les personnalités influencent le déroulement d’un procès. En se concentrant sur le discours et les échanges entre les protagonistes, Cédric Kahn met en lumière les failles du système judiciaire : la difficulté de maintenir une impartialité totale, l’impact de l’opinion publique, et les dynamiques de pouvoir qui se jouent derrière les apparences de neutralité.


La justice est montrée ici comme un théâtre où chacun joue un rôle, où les convictions personnelles se mêlent aux stratégies de défense et d’accusation. Les avocats, incarnés par des acteurs tels que Stéphan Guerin-Tillié et Anouk Grinberg, sont eux aussi des personnages complexes, pris entre la volonté de défendre leurs clients et leurs propres doutes sur la moralité des actes jugés. Leur jeu, tout en nuances, ajoute une autre couche à cette exploration des rouages judiciaires.


Le film pose aussi des questions sur la possibilité de juger objectivement un homme aux convictions politiques radicales, dont les actions semblent motivées autant par la colère contre l’injustice sociale que par un désir de révolution personnelle. Goldman, dans sa défense, ne se contente pas de nier les faits ; il utilise le tribunal comme une tribune pour dénoncer ce qu’il perçoit comme les injustices du système capitaliste. Cette posture crée un malaise palpable, car elle met en tension le rôle du procès : s’agit-il de juger un homme pour ses actes, ou pour ses idées ?


La mise en scène de Cédric Kahn est d’une sobriété exemplaire, ce qui renforce l’authenticité du récit. Loin des effets de manche ou des rebondissements spectaculaires, Kahn choisit de s’en tenir à une réalisation épurée qui laisse toute la place à l’intensité des dialogues et à la complexité des personnages. Les choix de cadrage, souvent serrés sur les visages, accentuent la tension et l’urgence des échanges, captant chaque inflexion de voix, chaque expression de doute ou de défi.


Le film ne s’embarrasse pas de reconstitutions historiques fastueuses ; au contraire, tout est centré sur le présent du procès. Les décors minimalistes, le rythme posé et l’absence de musique grandiloquente participent à créer une atmosphère oppressante, où le spectateur ressent presque physiquement la pression qui pèse sur les épaules des accusés et des témoins. Cédric Kahn parvient à faire de ce huis clos judiciaire un espace vibrant de vie et de conflit, où chaque mot prononcé résonne comme un coup de poing.


"Le Procès Goldman" résonne particulièrement dans le contexte actuel, où les questions de justice, de racisme, de privilège et de radicalisation continuent de hanter les débats publics. En revisitant ce procès emblématique, Cédric Kahn offre une réflexion pertinente sur les luttes sociales et les injustices systémiques qui traversent l’histoire. Le film rappelle que les procès ne sont jamais uniquement des espaces de jugement légal, mais aussi des lieux où s’affrontent des visions du monde.


Le personnage de Goldman, avec ses contradictions et ses convictions inébranlables, devient ainsi un symbole des luttes politiques de son époque, mais aussi de celles d’aujourd’hui. Le film pose la question de savoir comment juger les actions d’un homme qui se considère lui-même comme un combattant de la liberté, et à quel point le tribunal peut ou doit tenir compte de l’engagement politique d’un accusé.


"Le Procès Goldman" est une œuvre intense et captivante qui explore les arcanes de la justice avec une rigueur et une humanité rare. Grâce à des performances d’acteurs magistrales, une mise en scène épurée et une écriture incisive, Cédric Kahn parvient à capturer toute la complexité d’un procès emblématique. Le film s’impose comme un drame judiciaire fascinant qui interroge autant qu’il bouleverse, nous rappelant que la vérité, la justice et la morale sont des concepts aussi fragiles que les hommes qui les incarnent.


"Le Procès Goldman" n’est pas seulement un film sur un procès historique ; c’est une réflexion sur la nature de la justice, sur les préjugés humains et sur le pouvoir des mots. C’est une œuvre qui, à travers le prisme de la salle d’audience, examine les conflits entre la loi et la morale, le personnel et le politique, l’individu et la société. Kahn réussit à rendre captivant chaque échange, chaque confrontation, et rappelle que la justice est autant une affaire de faits que de perception, d’émotions et d’idéologie.

CinephageAiguise
9

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il y a 3 jours

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