(1972. FR. : Le professeur. ITA. : La prima notte di quiete. (la première nuit de tranquillité, de calme.
Vu en VOST, édition DVD Pathé.)
Rimini, années 1970's, le professeur de lettres Daniel Dominici (Alain Delon) vient effectuer un remplacement. Personnage un peu bohème, au parcours atypique, Dominici traîne sa peine et son spleen dans cette station balnéaire en plein hiver. Sa femme (Léa Massari) le trompe et le couple est au bord de la rupture, Dominici passe ses soirées à jouer aux cartes et à parier, à boire avec ses nouveaux amis, une bande de bourgeois dévergondés et décadents... Au milieu de toute cette grisaille, le professeur découvre en Vanina (Sonia Petrovna), une de ses élèves, une fragilité et une mélancolie qui l'envoûte et lui rappelle ses propres failles...
Bonjour tristesse ! Voilà qui aurait pu être un bon titre pour ce film de Zurlini (La fille à la valise, Le désert des tartares), même s'il faut bien avouer que le titre original, la prima notte di quiete, se suffit à lui seul. Il s'agit en effet d'un vers de Goethe qui, comme nous l'explique Delon le poète, symbolise la mort : la première, et dernière, nuit calme, sans rêves. Une nuit, un long tunnel que semblent chercher à atteindre le duo Petrovna-Delon.
A mi-chemin entre le mélo et le drame sordide, magnifiquement mis en scène par Zurlini, et aussi poétique que son « héros », ce Professeur demeure aujourd'hui encore une curiosité. Notamment pour l'impeccable prestation de Alain Delon, méconnaissable en espèce de vagabond toujours vêtu de son imper, mal rasé, cerné, la larme à l’œil en permanence. Une sorte de fantôme traversant le brouillard d'une Rimini austère lorsque l'hiver s'installe comme en témoignent ces forts jolies scènes sur le port où Dominici se perd, s'évapore dans cette ambiance glauque et froide rehaussée, magnifiée par les cuivres de Mario Nascimbene.
Si Delon est l'attraction de ce film, une des ses plus belles compostions assurément, il ne faut pas négliger le superbe casting constitué de figures du cinéma italien comme l'excellent Salvo Randone en proviseur agacé par le caractère indolent, insolent et permissif de son professeur ; Renato Salvatori (Z, Rocco et ses frères, Queimada...), Giancarlo Giannini et le trop rare, et très bon, Adalberto Maria Merli (Peur sur la ville, Faccia di spia...) forment une bande de notables vulgaires, vicieux, dégénérés...comme l'atteste leurs relations avec Elvira (Nicoletta Rizzi) ou Vanina, des morceaux de viande... Alida Valli (1900, Suspiria...) compose justement une mère de Vanina détestable, se servant de sa fille en la desservant tout autant.
Outre la splendide Sonia Petrovna (Ludwig ou le crépuscule des dieux), très juste et touchante, quel plaisir de croiser la divine Léa Massari (Une vie difficile, les choses de la vie...) en femme de Dominici un peu cinglée. Son duo/duel avec Delon fait partie des beaux moments d'un film où le beau ne l'est pas forcément comme lorsque Dominici visite un vieil hôtel particulier en ruines ou cette église et sa Madone oubliées...
Enfin, Mario Nascimbene, avec Maynard Ferguson aux cuivres, livre ici une majestueuse B.O. Elle apporte d'autres nuances de gris à une œuvre déjà particulièrement sombre et fataliste. Les cuivres « so jazzy » résonneraient presque parfois comme les trompettes de Jéricho, dignes d'un duel de western italien, annonçant l'arrivée de la Mort, cette fameuse première nuit tranquille tant attendue par Dominici …
Deux morceaux de la B.O. :
https://www.youtube.com/watch?v=EGlY5TUge4k
https://www.youtube.com/watch?v=1HFt8ZyV3PI