Une démonstration par l'absurde du régime soviétique
En russe, hippopotame se dit бегемот (begemot), qui signifie également monstre, au sens apocalyptique du terme. Et c'est dans ce sens qu'il faut aussi voir l'élève incapable et encombrant que le professeur accueille dans son studio. Pour ceux qui ont connu les leçons privées de musique, ce court métrage vaut son pesant de clés de sol en or massif: la patience, l'impatience, le désespoir et la supplication du professeur sont illustrés avec un sens consommé de l'observation.
Mais ce film ne raconte-t-il vraiment qu'une leçon de musique? N'y a-t-il pas autre chose que l'absurde soulignerait? Le Professeur de chant montre l'irruption d'un monstre dans la vie d'un homme. Ce monstre finit par tout lui prendre: ses biens matériels (son tabouret), sa vie et enfin son art. Avant de s'en aller, il salue encore Mozart en chantant un petit air d'opéra italien et c'est fini. En trois minutes et seize secondes, le maître de musique a été laminé et l'élève, avec un cynisme absolu et une parfaite indifférence, se pare des talents qu'il a spoliés. À n'en pas douter, ce film plaisait au public russe habitué aux métaphores qui permettaient de critiquer le régime sans avoir l'air d'y toucher.
Que l'on ne s'y méprenne pas: Le Professeur de chant n'est pas un dessin animé pour amuser la galerie, mais un brûlot politique.