Rêver d'un impossible amour quand on est un déserteur amoureux d'une étoile ! Un film à la poésie sombre et désabusée.

Mis en scène par Marcel Carné, avec un scénario signé Jacques Prévert d’après le roman éponyme de Pierre Mac Orlan, il est sorti en 1938.Dans ses mémoires, Marcel Carné déclare : « A l ‘époque les écrans regorgeaient de comédies, musicales ou non, brillantes, ensoleillées et grouillantes de figuration. Et voilà que j’arrivais avec ma boîte de nuit vide, ma brume, ma grisaille, mon pavé mouillé et mon réverbère. » En utilisant à merveille les décors d’Alexandre Trauner, Marcel Carné inscrit son drame dans des lieux ordinaires et dénués d’humanité" L’ambiance de ce film qualifié de « réalisme poétique"Cette caractérisation des décors et des personnages crée une ambiance poétique et désabusée. Dans ce film, Michèle Morgan se prénomme Nelly. Sa taille est serrée dans un trench-coat luisant, conçu par Coco Chanel, qui tient à ce que ce ciré accroche la lumière mais la fasse scintiller pour donner à l’actrice une présence éthérée, comme venue d’un autre monde. Michèle Morgan est coiffée d’un simple béret noir, une autre idée de Coco Chanel, afin de surligner son teint diaphane et ses yeux bleu clair démesurés qui renvoient à ceux de Gabin, de la même couleur. Ce film aux multiples facettes, qui fut un présage de la Seconde Guerre mondiale, connut un succès monstre dans les salles françaises Le public; désabusé comme le Jean de Marcel Carné, était en quête de poésie et d’amour. Aujourd’hui cette œuvre doit être vue comme la pierre angulaire d’un cinéma réaliste, poétique et toujours aussi vivant...A l’opposé de ces comédies musicales hollywoodiennes dans lesquelles les héros livrent leurs sentiments à la ville entière, la passion de Jean et Nelly ne doit pas sortir dans la rue sous peine d’être à jamais détruite. Carné oblige ses héros à se cacher , et en mettant en scène ces héros reclus, on ne peut s’empêcher de voir dans l'univers de Marcel Carné l’augure d’une période sombre où les hommes vivront terrés pour affronter le monstre totalitaire. L’ironie veut que Le Quai des brumes fût interdit pendant la guerre : les autorités vichyssoises accusèrent Carné d’être à l’origine de la défaite de 1940. Ce à quoi le cinéaste répondit avec finesse en déclarant : "On ne rend pas le baromètre responsable de l’orage et la fonction de l’artiste est de se faire le baromètre du temps qu’il fait".

cathVK44
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films avec Jean Gabin

Créée

le 7 août 2024

Critique lue 3 fois

cathVK44

Écrit par

Critique lue 3 fois

D'autres avis sur Le Quai des brumes

Le Quai des brumes
SBoisse
7

Des yeux si clairs !

- T’as de beaux yeux, tu sais. - Embrasse moi. - Nelly. - Embrasse moi encore… Michèle Morgan (Nelly), dix-huit ans et les plus beaux yeux du monde, vient de se laisser tomber dans les bras d’un...

le 2 déc. 2015

26 j'aime

4

Le Quai des brumes
Val_Cancun
6

Irréalisme poétique

En dépit de son incontestable dimension mythique, et de sa place d'honneur dans les anthologies du cinéma, ce grand classique français d'avant-guerre me laisse une impression mitigée. Plusieurs...

le 5 août 2016

25 j'aime

3

Le Quai des brumes
Armelle_Barguillet_H
9

Pierre angulaire d'un cinéma réaliste.

Jean (Jean Gabin) déserteur de la Coloniale arrive en camion dans la ville portuaire du Havre. Désabusé et hanté par ses souvenirs de guerre, il cherche à fuir la France. En quête d’un bateau, il...

le 23 oct. 2016

17 j'aime

1

Du même critique

Le Samouraï
cathVK44
8

Critique de Le Samouraï par cathVK44

Un thriller psychologique noir et dépouillé. Avec Costello, Delon restera à jamais la figure moderne du samouraï et l’incarnation de sa solitude.

le 19 août 2024

4 j'aime

Le Cercle rouge
cathVK44
8

Critique de Le Cercle rouge par cathVK44

Un polar austère superbement orchestré. Au centre du cercle silencieux d’un code d’honneur inéluctable se réuniront flics et criminels. Le code de l'honneur en question, c'est celui de la parole...

le 19 août 2024

4 j'aime

La Mouche
cathVK44
9

Critique de La Mouche par cathVK44

Mise en scène d’une spectaculaire transmutation. Quand la chair se fait cauchemar, l’amour rencontre la pulsion de mort. Un film fantastique fascinant rejouant "La Belle et la Bête". Émouvant et...

le 12 août 2024

4 j'aime