Le Quart d’heure américain a quelque chose de transgressif qui pourrait le rapprocher d’un cinéma à la Bertrand Blier si et seulement si l’écriture du scénario et des dialogues ainsi que la force de mise en scène suivaient. Le thème général surprend, son traitement cru également : le plaisir sexuel est représenté sans détours, et les acteurs s’y adonnent sans craindre de choquer un public de niche alors en constitution par la nudité de leurs corps ou la liberté de leur propos. Mais une pertinence vient à manquer, celle d’un regard sur le sujet abordé, celle d’une forme maîtrisée. Nous avons ici un saupoudrage Blier sur une forme Jean-Marie Poiré définie par sa nervosité, son montage alerte qui achève chacune de ses scènes par une réplique en acmé, souvent criée ou hurlée, et ses personnages de losers au grand cœur d’extraction populaire.
Non que le film de Philippe Galland soit dépourvu d’idée de réalisation : un dialogue saccadé par le montage pour n’en conserver que les paroles essentielles semble parodier le style Nouvelle Vague, notamment cette discussion entre Belmondo et Seberg dans À Bout de souffle, un accident de la route dont la mise en scène frappe par sa précision et son impact, un sens du burlesque et de l’espace proche du slapstick avec ses personnages qui entrent et sortent par des petites fenêtres, escaladent des murs à l’aide de draps noués, tombent, se salissent, s’étreignent subitement. Mais de ces influences n’accouchent que des séquences inégales qui s’agrègent parfois mal les unes aux autres, souffrant d’ailleurs de répétition et d’une surcharge qui empêche toute poésie de naître. Seule la déclaration d’amour par téléphones interposés fonctionne bien, suivie par des retrouvailles mémorables sur le bord d’une route en travaux.
Des idées, Le Quart d’heure américain en a. Beaucoup même. Manquent néanmoins une vision d’ensemble et une maîtrise du geste cinématographique qui, seules, lui aurait permis de se démarquer du tout-venant de la comédie Splendid.