Avec ce second long métrage le grand et beau Widerberg transforme l'essai de son tout à fait délicieux Péché Suédois, livrant - osons et lâchons le mot - un authentique chef d'oeuvre de Cinéma.
Tenant lieu dans les bas-fonds ouvriers de Malmö Le Quartier du Corbeau redonne toutes ses lettres de noblesse au cinéma social. Ode aux prolos désireux de réussir leur vie ( à défaut de réussir dans celle-ci ) le film de Bo Widerberg saisit d'emblée par son extrême précision, son lyrisme non feint et par l'interprétation fracassante de Thommy Berggren, acteur-fétiche du cinéaste depuis son premier film. En réfutant toute forme de misérabilisme Le Quartier du Corbeau dépeint néanmoins les petites gens à la manière de certains chefs de file du néo-réalisme italien ( on songe aux laissés-pour-compte du Accattone de Pasolini ou - par ailleurs - aux fratries du cinéma de Ettore Scola ) montrant définitivement le monde tel qu'il devrait l'être.
La justesse de la mise en scène, la poésie des situations ( avec entres autres choses cette magnifique séquence du père et son fils magnifiant la mort d'un cigare au creux d'un fauteuil...), l'utilisation en leitmotiv des musiques du grand répertoire ( on retrouvera forcément cette virtuosité dans le magnifique Elvira Madigan et - beaucoup plus tard - dans La Beauté des Choses...) et ce penchant pratiquement désinvolte pour l'hédonisme sous toutes ses formes font du Quartier du Corbeau un morceau de Septième Art pour le moins impressionnant, plein d'illusions perdues et d'amertume familiale... le film ne racontant rien de moins que les aspirations permanentes du protagoniste à s'extirper de son milieu social, flanqué d'un père sans caractère ( Keve Hjelm, confondant de faiblesse...) et d'une mère secrète mais sacrificielle... A noter également la présence de la toute petite fille de Bo Widerberg ( Nina ) qui fait là ses premiers pas d'actrice de cinéma. A voir et à revoir, Le Quartier du Corbeau est un miracle suédois tenant de la très grande réussite !