Le projet de Frammartino est très ambitieux mais sait rester simple sans hiératisme, évitant aussi toute emphase. Le résultat est précis, épuré, honnête. L'idée ici, inspirée de pensées présocratiques, est d'orchestrer et offrir une expérience à rebours de l'anthropocentrisme. L'auteur suggère une âme migrant cycliquement d'un règne à l'autre, humain-animal-végétal- minéral, relativisant ainsi la position hégémonique de l'humain dans le cosmos. C'est un film dense sur le déplacement du regard, rigoureux mais pas sec, dont j'aime deviner les touches ironiques. Quelques plans me restent en mémoire: ceux où la caméra est enfermée dans le caveau et plus tard dans la meule charbonnière, la fourmi qui accapare l'attention en déambulant sur le visage statique du berger, la colonie de fourmis qui prennent possession de la pochette contenant le "remède", illustrée de deux yeux humains, le regard flouté du mourrant sur la chèvre, celle qui monte sur la table et renverse la gamelle aux escargots, le contrechamp d'une autre chèvre regardant le ciel...et et et la fameuse pierre retirée sous la camionnette par l'incroyable Vuck pour dire aux humains, partis en procession, que son maître a rendu l'âme !
Excellent !