Texte minimaliste et mise en scène épurée portant un regard d'entomologiste sur un couple de provinciaux, fonctionnaires en fin carrière, exclus du progrès dont bénéficie les citadins, traités sans humanité comme des éléments interchangeables par une administration centrale indifférente aux individus oeuvrant pour la nation (s'ajoute un fils de passage le temps d'une permission, mal nourri par l'armée, autrement dit exploité par l'Etat). La mise en scène n'a pas l'intensité métronomique de Jeanne Dielman, mais a ceci de commun qu'elle exprime une temporalité insensée qui se répète avec absurdité, se déclinant (infime variation des cadrages au fil des jours), sans pour autant se renouveler (ironiquement, le garde-barrière remonte régulièrement son réveil, comme un automate). L'homme ne connait pas bien son âge, n'a pas vu son existence passer, et semble d'une manière libératrice se réapproprier dans la séquence finale, son identité, sa vie, sa temporalité, en prenant le chemin de l'errance avec sa femme. Libre peut-être comme le pâtre, nomade, aperçu en début de film avec ses bêtes.