Robert Wise n'est qu'un tout jeune metteur en scène lorsqu'il se voit confier par Val Lewton, producteur phare du cinéma fantastique et horreur des années 1940, l'adaptation d'une nouvelle de Robert Louis Stevenson mettant en avant les liens entre un docteur et un pilleur de tombes prêt à devenir meurtrier.


C'est en partie de cet aspect-là que The Body Snatcher tire sa force, les relations que Wise dépeint entre le médecin et le fossoyeur, ce dernier fournissant des cadavres frais pour les expériences du premier. Il laisse toujours planer une ambiguïté sur d'intéressants personnages et enjeux, qu'il accentue avec une ambiance assez sombre et pas loin d'être envoûtante, notamment grâce au contexte de l'oeuvre, ici le si fascinant Royaume-Uni de l'ère Victorienne, ainsi que ce voyage entre cimetière, ruelles obscures, personnages louches, bars glauques, lieux scientifiques ou encore trajet en calèche.


Sans grand génie mais avec une vraie efficacité, Wise met bien tout cela en scène, donnant assez de tension à l'oeuvre et trouvant généralement le bon équilibre. The Body Snatcher dévoile peu à peu ses nombreux aspects, notamment le tableau de cette époque, de sa médecine alors que le monde est en pleine révolution industrielle mais aussi de la morale et des limites, à franchir ou non, lorsqu'on est médecin, ici à travers un docteur qui accepte sans broncher de nombreux cadavres bien frais pour ses expériences. Wise ne fait pas dans le démonstratif, préférant jouer sur l'ambiance, l'histoire en elle-même et ses personnages plutôt que l'angoisse pure (il n'y en a pas vraiment d'ailleurs).


Il se montre techniquement efficace, sachant aller à l'essentiel et usant d'une photographie sombre rappelant l'expressionnisme pour mieux accentuer l'ambiance. The Body Snatcher bénéficie aussi de mémorables interprétations, notamment le troublant Henry Daniell et surtout un très sadique Boris Karloff. C'est d'ailleurs dommage que Bela Lugosi en soit réduit à faire de la figuration, lui qui jouait pour la dernière fois avec son meilleur ennemi. Et enfin, un vrai charme se dégage de l'oeuvre de Wise, traversant tout le récit pour parfois faire oublier quelques petites maladresses.


Le jeune Robert Wise se montre inspiré derrière la caméra pour faire de cette adaptation de Robert Louis Stevenson une oeuvre assez mémorable, et en signant The Body Snatcher, il exploite bien le cadre de cette époque et la si fascinante ère Victorienne, ainsi que les liens entre la médecine et un fossoyeur macabre.

Docteur_Jivago
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le 25 mars 2019

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