Michel Hazanavicius sait être un bon imitateur de genres, mais a ses limites, comme le prouve Le Redoutable, dans lequel il dresse un portrait détourné de Jean-Luc Godard.


C’est peut-être quand il reproduit un style et qu’il le détourne que Michel Hazanavicius excelle le plus. On se souvient de son Grand Détournement (1993), mashup de classiques du cinéma qu’il redoublait avec la complicité de Dominique Mézerette. Avec OSS 117, il adaptait très librement la série du même nom et parodiait le film d’espionnage (du type James Bond). Tandis qu’avec The Artist, il rendait hommage au cinéma muet tout en le revisitant. Après l’échec de son précédent film, The Search, le cinéaste retourne vers ses premiers amours avec Le Redoutable, un pastiche qui rend autant hommage à Godard qu’à la Nouvelle Vague et au cinéma en général. Bien que le film s’avère réjouissant dans son approche parodique, proche du film à sketchs, il révèle assez vite les limites de son réalisateur.


Dans Le Redoutable, Hazanavicius présente Godard sur quatre années de sa vie, à partir de sa rencontre d’Anne Wiazemsky au moment du tournage de La Chinoise (1967). À cette époque, Godard est déjà considéré comme un maître, avec ses chefs d’œuvre Le Mépris, Pierrot le fou et À Bout de souffle, qu’on ne cesse de lui rappeler. Mais Jean-Luc est en pleine remise en question de son art, qu’il s’apprête à tuer, tandis qu’éclate la révolution étudiante (mai 68). Michel Hazanavicius se montre alors bien malin en détournant et ironisant Godard, grâce à Godard. Notamment en faisant jouer des phrases prononcées par le cinéaste, leur donnant un double sens forcément comique. Comme en faisant dire à Louis Garrel (qui interprète Godard) que les acteurs sont des cons, car ils acceptent de jouer n’importe quoi, ou en mettant ses acteurs nus au moment où leurs personnages évoquent le non-sens de cet acte au cinéma. Avec ses mises en abîme et ses ruptures du quatrième mur (des regards caméra et voix off évidemment à la manière d’un cinéma de Godard), le film provoque forcément un plaisir, car parfaitement divertissant. Sauf qu’assez vite le processus trouve ses limites en raison d’un manque de fond. N’osant pas aller jusqu’au bout de sa première idée, à savoir faire un film uniquement « à la manière de » – on pense un temps à Une femme est une femme -, Hazanavicius se perd en effet dans l’histoire d’amour entre Jean-Luc Godard et Anne Wiazemsky.


Au milieu de cette romance vide d’intérêt et traitée de manière grossière et convenue (Godard est égocentrique et égoïste, et empêche sa femme de vivre) seul Louis Garrel, qui incarne le cinéaste, parvient à exister. Il livre là une performance parfaite (similaire physiquement, mais également dans la voix, le regard et la posture), et rend son personnage merveilleusement antipathique. Bien moins convaincante, Stacy Martin (Anne), éclipsée par les très rares apparitions de Bérénice Bejo (toujours juste), doit surtout composer avec un rôle vide et sans personnalité. Quand elle n’est pas nue, Anne accompagne Jean-Luc, l’écoute en souriant et en lui répétant de mielleux « oui mon amour », particulièrement agaçants. Certes, l’absence d’évolution et de réaction du personnage répond à une certaine logique, mais celui-ci ne parvient alors jamais à provoquer la moindre empathie, tandis que Godard, lui, se charge de nous perdre avec ses fixations sur la révolution et les discours maoïstes et marxistes qu’il soutient. Pourtant prometteur, Le Redoutable n’aura été, au mieux, qu’un hommage lointain et surtout maladroit.


Par Pierre Siclier pour Le Blog du Cinéma

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le 29 mai 2017

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