Il est des cinéastes qui, dès leur premier film, parviennent à frapper très très fort et à se faire d'emblée reconnaître. On peut citer l'exemple de Sam Mendes qui avait d'entrée su imposer son nom dans le milieu du septième art. Andreï Zviaguintsev a réussi à faire pareil. Certes, les retombées médiatiques de son film ont été moins importantes que celles d'un Mendes pour rester dans le même exemple. Il faut dire que le cinéma russe n'a pas le même écho chez nous. Pourtant, avec son premier film, Le retour, le cinéaste a réussi à faire un joli petit bonhomme de chemin, avec comme récompense suprême, le Lion d'Or à Venise en 2003.
L'oeuvre aborde les relations entre un père et ses fils. Le père a toujours été absent et revient comme par miracle dans la demeure familiale. Le plus intéressant, c'est qu'on va constater l'évolution de la relation entre les deux jeunes et le père mais surtout, le film possède une seconde lecture plus chrétienne.
Aussi bien la forme que le fond est assez froid et austère. Impossible pour nous en tant que spectateur de s'attacher au début sur ce père, totalement autoritaire, qui vient bouleverser la vie de nos deux jeunes hommes. L'aîné des deux est quand même plus enclin à lui parler que le cadet. Le premier y voit une sorte de personne qui est à respecter par le charisme et l'autorité qu'elle dégage. Le second ne supporte au contraire pas cela. De quel droit cet homme doit-il être considéré comme un père? Pour lui, avec son frères, ils ont vécu toute une vie sans avoir de papa. Pourquoi maintenant devraient-ils l'accepter ainsi, d'autant que ce père n'a jamais été là. Le film pose subtilement des questions sur ce que c'est d'être père. Un des autres intérêts est que Zviaguintsev ne dévoile rien de l'homme. Impossible pour le spectateur de se faire une idée, de comprendre les motivations de son départ et de son retour. Pourtant, il est impossible de détester l'homme car on sent dans sa froideur une volonté de bien faire, même si c'est très compliqué de le ressentir. En tout cas, je n'ai pas ressenti de l'animosité de la part de cet homme pour ses enfants. Tout au plus, il ne sait pas du tout s'y faire, avec des règles qu'il érige et qui ne devrait pas appliquer quand on revient de nul part comme c'est le cas. D'autant que le metteur en scène va laisser deux indices qui laissent à penser que le père est parti pour de bonnes raisons. Premièrement, on retrouve une photo de lui avec sa femme et ses enfants dans la voiture, preuve qu'il avait des sentiments pour eux et ensuite, en allant sur l'île avec ses deux fils, il va déterrer un coffret qu'il a enterré là auparavant. Peut-être que dans celui-ci, il y avait toutes les réponses aux questions que l'on est en droit de se poser. Mais cela, le spectateur ne le saura jamais.
Ensuite, il n'est pas, me semble-t-il, totalement idiot de voir une petite référence christique à ce film. Tout d'abord il y a ce père qui ressuscite aux yeux de ses enfants avec comme objectif de les éduquer. Ensuite, on a une représentation du père couché dans un lit qui est totalement identique à celle d'une peinture du Christ.
D'un point de vue formel, à présent, j'ai déjà dit quel e film était aussi froid que le personnage du père. Une austérité qui rappelle parfois Pavel Lounguine. L'oeuvre se montre de temps en temps onirique et fort silencieuse comme chez Stalker de Andrei Tarkovski. D'ailleurs, les deux enfants s'appellent Andrei et Ivan (voir le film L'enfance d'Ivan). Mais rassurez-vous, le metteur en scène trouve son propre style et ce sont juste des choix qui rappellent les deux autres cinéastes soviétiques. A noter que la photo du film est magnifique.
A noter que les trois acteurs sont vraiment incroyables. Le rôle du père est tenu de main de maître par Konstantin Lavronenko. Comme j'ai déjà dit, il dégage une forme de prestance et de charisme. Mais les deux jeunes acteurs sont vraiment doués aussi. Andrei, l'aîné est joué par Vladimir Garine. Malheureusement, l'adolescent est décédé le jour où Zviaguintsev montrait le film à l'équipe technique. Il s'est accidentellement noyé à l'âge de seize ans. Mais le petit cadet, Ivan, est probablement celui qui impressionne le plus. Joué par Ivan Dobronranov, il tient facilement tête à Lavronenko, lui volant presque la vedette. Une prestation d'acteur vraiment pleine pour ce jeune garçon.
Au final, Zviaguintsev livre un film plein, intéressant, intelligent aussi. Une réussite qui mérite bien son trophée à la Mostra de Venise. Une oeuvre qui mérite aussi d'être découverte par un plus large public. Un grand metteur en scène est peut-être né, il lui faudra confirmer.