Le Retour de l'Hirondelle d'or par Ninesisters
En regardant Le Retour de l'Hirondelle d'Or, je me suis sérieusement demandé si les deux films estampillés "Hirondelle d'Or" en France possédaient un réel point commun, hormis leur maison de production et leur actrice principale. Que les personnages eux-mêmes ne correspondent pas, c'est une chose, mais surtout, le premier était signé King Hu, tandis que le second voit à sa tête Chang Cheh ; et les deux n'ont strictement rien à voir.
King Hu est un esthète, un réalisateur raffiné comme il le montrera dans son A Touch of Zen, qui aime faire monter la pression silencieusement. En comparaison, Chang Cheh tient limite du barbare, avec ses morts en pagaille, ses suicides héroïques, et ses personnages qui tuent en lançant de la peinture rouge sur leurs opposants. Pire que cela, Chang Cheh est un misogyne ; chez lui, les filles sont au mieux des castratrices, là pour dissuader les hommes de faire ce qu'ils ont à faire - à savoir tuer leur adversaire ou mourir en essayant - mais le plus souvent des lâches et des traitresses. Prière de se référer aux deux premiers volets de la trilogie du Sabreur Manchot pour voir des exemples concrets à l'œuvre. Lui confier une héroïne comme Cheng Pei-Pei, après le magnifique long-métrage de King Hu, cela ressemble fort à du gâchis.
Pour le spectateur qui attend de cette suite supposée une expérience dans la lignée de l'Hirondelle d'Or de King Hu, le choc risque d'être rude. Car Chang Cheh ne ment pas et fait ce qu'il sait faire le mieux : du film de kung-fu qui ne s'embarrasse pas de scènes contemplatives ou de réflexions, pour proposer de la baston, de la peinture qui gicle, des corps en charpie, des massacres en tout genre et autres joyeusetés, sans que l'héroïne ait vraiment son mot à dire dans l'histoire ; elle aurait même plutôt tendance à gêner.
Même en oubliant le glorieux héritage que le titre français tente de nous rappeler, il s'agit d'un film loin de figurer parmi les indispensables du genre, tout en demeurant soigné et efficace. Chang Cheh est un bon artisan : le studio lui donne un travail, et il l'exécute avec honnêteté. Pour autant, jamais il ne dégage autant de puissance que les meilleurs Wu Xia. Reste un long-métrage divertissant, pour les amateurs, mais que je ne citerai pas parmi les incontournables. Un peu trop primaire à mon goût.