Scandaleusement oublié au sein d'une filmographie plus que conséquente, Le prisonnier de la haine est pourtant un des films les plus personnels d' Henry Hattaway, ce réalisateur trop souvent mésestimé pour ne pas dire méprisé car représentant le parfait réalisateur de studio, le fameux yesman comme on dit! Cette oeuvre (et ce n'est pas la seule du monsieur) est le parfait exemple qu'un film de commande n'est pas forcément insipide et impersonnel et peut faire montre de grandes qualités! Bon pour être totalement honnête, ce film est bluffant surtout par le fait qu'il nous laisse entrevoir le chef d'oeuvre que Le retour du proscrit aurait pu être si le studio n'y avait pas mis son grain de sel en coupant quelques scènes et en en retournant une ou deux autres puisqu'on n'y comprenait plus rien! Reste un film d'une qualité certaine!


Précisons d'abord que ce western n'a de western que le nom et que les afficionados de duels épiques et autres fusillades d'anthologie peuvent passer leur chemin! Par le décors , on est bien dans un western mais la réalité c'est que c'est surtout un drame familial où la haine le dispute à la rumeur et la superstition dans cette petite communauté des Ozarks! Le tout enrobé de croyances diverses. C'est en effet à une véritable parabole que nous invite Hattaway !


Une parabole portée par l'arrivée d'un étranger au sein de cette communauté, un étranger véritable faiseur de miracle , un certain Daniel Howitt (interprété par le grand Harry Carrey) dont on cerne assez vite le rôle qu'il va jouer! Et c'est parti pour 1h30 de ressentiment, de culpabilité, de cupidité, de jalousie, de mal être, de vengeance mais aussi d'espoir et d'amour, c'est deux derniers étant portés, non par une comtesse, mais par une jeune fille aux pieds nus admirablement joué par Betty Fields qui apporte une fraîcheur salvatrice au milieu de cette accumulation de non-dits et secrets tout en n'ayant pas sa langue dans sa poche! Pour compléter le trio, John Wayne est de la partie! Il est heureux que Wayne tourne avec Carrey tant il éprouve un immense respect pour cette véritable icône du western muet ayant tout de même réussi la transition au parlant et ayant tourné avec les plus grands même si sa collaboration la plus marquante fût avec un certain John Ford! Wayne lui rendra d'ailleurs un formidable hommage dans La prisonnière du désert, quand Ethan Edwards qu'il interprète, s'en allant à la fin du film, croise ses mains de la façon si caractéristique de Carrey durant sa carrière! Passage de témoin d'une légende à une autre légende du genre! Pour le reste, les seconds rôles sont au niveau avec une mention spéciale pour le rôle ingrat de Tante Mollie interprété avec brio par Beulah Bondi et pour la touche d'humour apportée par Ward Bond, spécialiste des seconds rôles, notamment chez Ford.


C'est donc à un drame pas tout à fait abouti avec quelques longueurs superflues que nous convie Hattaway, un drame dans un décors somptueux car si il y a bien une chose qui ne fait pas débat c'est son talent à filmer cette magnifique forêt qui sert de majestueux décors à cette histoire! Néanmoins, bon nombre de réalisateurs seraient déjà bien content d'aboutir à une oeuvre de cette qualité.


Dernier petit aparté qui n'a rien à voir avec le film. Dans cette collection Western de légende à laquelle appartient le Blu-Ray que je possède, on a souvent droit à une présentation du film par un gars qui, comme ça, avec sa petite écharpe et son oeil qui dit merde à l'autre ne paye pas mine! Ce gars c'est un certain Bertrand Tavernier! Alors je me garderais bien d'avoir un avis sur sa filmographie que je connais finalement que très peu, mais ce que je sais, c'est que c'est rare de trouver un puit de science cinématographique qui arrive si brillamment à faire passer sa passion (le plus belle exemple est son excellent Voyage à travers le cinéma français décliné ensuite en série)! Le tout sans notes aucunes , avec humilité et de façon très communicative! Un vrai bonheur! Je ne sais pas si on évalue à sa juste valeur la grande perte que sa mort représente pour le 7ème art!

Kowalski

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