Le rideau est (un peu) coincé...

Pas de doute : Le rideau déchiré ne restera pas dans l'histoire du cinéma comme l'un des chefs d'oeuvre d'Alfred Hitchcock. La faute très certainement à un scénario bancale (même le happy end frise un niveau infini de naïveté indigne de Hitch), à une héroïne larmoyante jouée par l'irritante Julie Andrews qui alterne sans finesse moue d'horreur, moue d'incompréhension et moue de bonheur (un jeu trop "moue" dirons-nous) et à un couple - Paul Newman/Julie Andrews - qui à l'écran se révèle aussi congelé que l'eau dans les verres de la première scène du film.
Et pourtant… Outre celles du bus ou du théâtre (certes moins efficace que le concert de L'homme qui en savait trop), ce film offre l'une des meilleures scènes de meurtre du cinéma : on y voit le professeur Armstrong (Paul Newman) aidé d'une fermière (Carolyn Conwell) supprimer péniblement le redoutable Gromek (Wolfgang Kieling). Une longue séquence qui mêle horreur et humour noir et dans laquelle Hitchcock entendait démontrer, alors qu'un certain James Bond dégommait à tout-va sur grand écran, qu'il n'est pas si aisé de tuer quelqu'un. Un moment de violence cru, silencieux (même si on regrette l'absence de Bernard Herrmann, il me semble que toute musique, bonne ou mauvaise, aurait minimisé l'horreur de ce meurtre), qui à lui seul vaut que l'on regarde encore aujourd'hui Le rideau déchiré.
Autre bonne idée d'Hitchcock : l'utilisation de la comédienne Lila Kedrova, dans le rôle très secondaire mais ô combien jouissif de la Comtesse Kuchinka. Encore une femme d'un certain âge telle que les affectionnait le metteur en scène, comme il l'avait prouvé par le passé avec notamment la mère de Roger Thornhill (Cary Grant) dans La mort aux trousses - jouée par Jessie Royce Landis - et l'insupportable invitée, Mrs Atwater (Constance Collier) dans La corde.