Que faut-il penser de ce film ? Comment peut-on — au nom de la liberté artistique — parce que l'on est cinéaste, convaincre aussi facilement des producteurs de miser sur un film au pitch plutôt intéressant sur le papier et qui a assez peu de chances de faire un carton en salle : un quadra homo reconsidère sa sexualité et s'entiche d'une mineure (c'est plutôt l'inverse en fait) dans une fuite éperdue et totalement farfelue ? C'est le propos qui intéresse Guiraudie et j'ai envie de dire : pourquoi pas ? Seulement, ce faux drame se déroule dans une campagne improbable où la majorité des hommes sont des obsédés sexuels (on se masturbe en groupe), la plupart sont gays ou sont subitement tentés d'en faire l'expérience.
Que penser aussi d'un film qui ne nous épargne rien ; le sexe est omniprésent et cette absence de pudeur tout le long du film à de quoi déranger. Imaginez une gamine de 16 ans (dans le film) baiser régulièrement avec un baleineau d'un bon quintal qu'elle connait à peine, mais comme l'ensemble bénéficie d'un traitement fantaisiste à la Luc Moullet, on lui pardonne tout à Guiraudie, et surtout, le plus choquant (pour ma part), le film ne fait l'objet d'aucune interdiction ou de mise en garde — il est même mentionné "tous publics" sur la jaquette du DVD (sic!). Bien sur, "Le Roi de l'évasion" nous épargne des plans sur les parties génitales contrairement à "L'inconnu du lac", véritable porno gay qui n'a plus rien de burlesque.
Il faut voir le film pour ce qu'il est : une ode à l'onanisme, aux joies de la sodomie et de la fellation. Le ton est donné : "jouissons sans entraves", ce bon vieux slogan soixante-huitard. Seulement, as-t-on envie d'assister à ce festival de corps nus et le plus souvent disgracieux, à ces branlettes collectives, à cette odyssée sexuelle débridée même si le caractère onirique de certaines scènes perturbe notre sens de la réalité. Le ton décalé suffit-il à cautionner la démarche très personnelle de l'auteur ? Au risque de passer pour un pisse-froid (d'autant que le film est très apprécié sur SC), j'émets des réserves sur l'aspect louable des intentions de Guiraudie mais je mets 6 gonades pour le savoir-faire évident du réalisateur.