Après avoir vécu à Paris, Yul Brynner rejoint les Etats-Unis et débute à l'écran en 1949 dans la Brigade des stupéfiants, puis se consacre au théâtre ; en 1951, on lui propose cette pièce "le Roi et moi" pour laquelle il se rase le crâne, prend le rôle à coeur et le jouera plus de 4000 fois sur les planches. C'est le rôle de sa vie qu'il va reprendre dans cette transposition très hollywoodienne en 1956, et il habite si bien le rôle qu'il décroche l'Oscar du meilleur acteur, ce qui lui donne l'occasion d'enchaîner avec un autre rôle iconique dans la foulée, celui de Ramsès dans les Dix commandements. Et voila donc Yul le magnifique qui devient en même temps une énorme star d'un coup dès son second film.
Bon, ce film ne figure pas parmi mes "musicals" préférés, tout simplement parce que justement, le tort est d'avoir plombé ce sujet au départ intéressant, en l'adaptant en comédie musicale, alors qu'il aurait gagné à n'être qu'une simple comédie dramatique sans chansons. Dans la forme, c'est une jolie bonbonnière, avec de fastueux décors siamois et des costumes chatoyants qui sont représentatifs de cet aspect carton-pâte hollywoodien des années 50, mais le contenu est assez lourd, avec un côté guimauve appuyé, les numéros musicaux sont fades et sans génie, pas du tout mémorables, si l'on excepte à la rigueur la chanson "Shall we dance?".
Pourtant, l'intrigue est au départ basée sur le récit véridique d'Anna Leonowens, jeune anglaise née aux Indes qui arrive au royaume de Siam à la fin du XIXème siècle pour éduquer les enfants du roi Mongkut, un prince autoritaire et extraverti qui règne sur de nombreux sujets et commande un palais rempli de dignitaires soumis, de serviteurs dévoués, d'un harem de femmes et d'une flopée d'enfants. Anna, est une sorte de Mary Poppins en Thaïlande, ex-royaume de Siam, et le film insiste sur le choc culturel entre une Britannique ouverte aux idées nouvelles et un souverain imbu de lui-même, qui considère les femmes comme des objets et qui n'hésite pas à les fouetter pour une faute banale, ce qui amène des confrontations amusantes. Cet aspect n'est pas assez développé hélas, parce que trop envahi de parties musicales.
Au passage, le film effleure aussi quelques réalités historiques liées au XIXème siècle (esclavage, impérialisme, domination masculine etc), mais tout ceci est dilué dans la guimauve, c'est assez dommage. Le film peut néanmoins se regarder sans trop d'ennui, et il est sans doute moins impersonnel que son remake de 2000 avec Jodie Foster.
A noter que Yul Brynner reprendra encore ce rôle en 1972 dans une petite série TV qui a fait les délices de mon enfance, Anna et le roi dont le ton était beaucoup plus humoristique, et comment oublier un Yul facétieux avec ses "etc, etc, etc" et ses "quoi, quoi, quoi?".