Qu'un film me fasse pleurer n'a jamais été pour moi un gage de qualité. Il y a bien longtemps que j'ai compris que j'avais la larme facile et que je réagissais à absolument tous les stimuli glissés par les réalisateurs pour nous émouvoir.
J'ai fait une petite liste au fur et à mesure du film pour noter les points qui m'ont énervée ou déplût. Je vais tenter de les résumer en trois grandes parties :
I - Le manichéisme
C'est tellement courant, et tellement facile. Oui, nous sommes dans un Disney et oui, c'est ordinaire de trouver du manichéisme dans les films. Il n'y aurait que ça le film ne m'aurait pas autant déplût ; mais comme là je liste les défauts, il en fait partie.
On a d'abord la distinction classique entre les deux frères rivaux : le beau/le moche, le soleil/la lune, le roi/le prince. On connaît depuis Abel et Caïn, Remus et Romulus, Richard Coeur de Lion et Jean sans Terre ou Sarkozy et Fillon (oui, ce commentaire inutile était so 2007, tant pis).
Je comprends plutôt Scar : son frère est l'archétype du beau gosse insupportable, et son gamin pousse le vice à son paroxysme. Ce n'est pas parce qu'ils sont les gentils que tout ce qu'ils font est génial, hein ? On en parle du super-papa qui engueule à peine son fils qui vient de se mettre autant en danger que s'il avait accepté les bonbons d'un pédophile ?
Notons également que les femelles n'ont aucun rôle dans ce bazar, d'ailleurs le roi a un harem, et il a probablement accepté de garder son frère auprès de lui parce qu'il est tellement moche qu'aucune des lionnes ne voudra de lui. La mère de Simba est à peu près aussi intéressante que la mère de Nemo, vous savez, celle qui se fait manger dans les cinq premières minutes du film ? Je ne vais pas parler de Nala, parce que la nausée approche.
Comme il est fort et puissant, il a des amis idiots, c'est le principe : il faut bien rehausser un peu la dorure ; ces fameux amis idiots ont un super remède contre le deuil, à savoir la méthode Coué "Hakuna Matata". Je plains les gosses qui ont eu à subir ça dans la cour de récré après avoir perdu un de leurs grand-parents.
Scar, comme tous les méchants, ne peut pas s'empêcher de se saborder au moment critique "Ah, c'est moi le meurtrier, en fait !". On ne le dira jamais assez : un bon méchant est un méchant muet.
Et pour finir, comme il est gentil, ce brave Simba ne peut évidemment pas s'abaisser au meurtre, donc le film montre bien que ce sont les méchants qui s'entre-tuent ; lui, il a juste poussé le méchant de la falaise, et pas de chance ! Il y avait les hyènes en dessous... Attendez, ça me rappelle une scène avec un troupeau de buffles...
II - La hiérarchisation des espèces
Pourquoi les hyènes seraient-elles toutes méchantes ? Scar est un lion et pourtant il est méchant... On se croirait dans Zootopie qui pseudo-vante la variété des caractères malgré le physique et qui pourtant met tous les loups dans le panier des crétins.
Notons également que Le Roi Lion est un film vegan, qui nous rappelle que manger des animaux, c'est pas bien (même si on est un lion carnivore) ! D'ailleurs les seuls qu'on voit manger de la viande, ce sont les méchants (une belle patte de zèbre) ! Au passage, manger des animaux, non, mais les insectes, aucun souci, car on sait bien que les insectes ne sont pas des animaux !
Enfin, bien entendu, le roi contrôle les éléments, ce qui fait que quand le roi est gentil, il fait du soleil et les rivières coulent, quand il est méchant, c'est la sécheresse et le ciel est à l'orage (ne me demandez pas la logique). En conséquence, quand le gentil roi revient, tous les animaux reviennent en même temps que les arbres, les fleurs et le sourire des lions.
III - Le monarchisme légitimiste
Enfin, en bonne réécriture d'Hamlet, Le Roi Lion souligne la légitimité de la monarchie héréditaire de droit divin (enfin, fantomatique, en l’occurrence, avec le papa qui revient en nuage, merci Shakespeare pour la petite idée). Ainsi ce brave Mufasa est tellement suprêmement doué qu'il n'a pas besoin d'écouter le rapport de l'oiseau concernant les récriminations des léopards qui n'ont pas la tâche facile (dix ans qu'ils font grève, et tout le monde s'en tape), pire, il l'utilise - ben oui, c'est le concept du roi que d'utiliser son personnel à sa guise - comme proie pour son fils.
On notera également l'excellent argumentaire de Nala (je rappelle que dans Hamlet, Ophélia meurt noyée ; j'attends toujours) qui veut convaincre Simba de venir défendre son royaume : "C'est toi le roi parce que c'est toi le roi" ; ainsi que l'excellente réponse de Simba "C'est moi le roi parce que c'est moi le roi".
L'âme pleine de mansuétude, le roi revient finalement protéger son royaume, car "si je ne le fais pas, qui le fera ?" "Moi !" répond Nala. Oui, effectivement, ses habitants ; ils auraient pu se bouger les fesses, tout de même, c'est vrai que quinze lionnes, des girafes, des éléphants et des rhinocéros contre un lion décrépi et des hyènes que les lionnes battent facilement à la fin, c'était trop tendu, elles avaient bien besoin d'un suricate et d'un phacochère pour les aider. Il leur aura fallu attendre l'homme-providence pour se décider à agir, ce qui prouve que la monarchie rend les esprits passifs et soumis.
"Réveillez-vous, les filles ! On va laisser les hommes sauver le monde ? C'est hors de question", dirait Elastigirl.
Vous aurez compris que je n'ai pas apprécié ce film-culte, et j'espère avoir par cette critique suffisamment justifié ma note. Je ne suis pas sans savoir que de nombreux Disney tombent dans des travers similaires, mais jamais de manière aussi importante, il me semble, et surtout c'est généralement contre-balancé par une certaine poésie, ou de l'humour.
Je n'ai trouvé ni l'un ni l'autre dans Le Roi Lion.
(Et si j'ai ri à la rime avec "tempête", c'est parce que j'ai le même humour qu'un enfant de cinq ans. Mea culpa).