Le Roi Lion
5.7
Le Roi Lion

Long-métrage d'animation de Jon Favreau (2019)

Un remake pratiquement plan à plan de l’original. Par conséquent, il n’est pas forcément très pertinent de juger une histoire qu’on connaît déjà par cœur et qu’on adore. La copie est encore plus conforme que ce que les derniers films de Disney avaient proposé, et il est donc difficile de dire quoi que ce soit de plus au final. Plus qu’une nouvelle approche, le film constitue réellement une nouvelle expérience pour découvrir cette histoire. Toutefois, on peut émettre certaines réserves.


J’ai pour ma part passé un très bon moment, et j’ai beaucoup aimé le film. Oui, il est moins bien que le dessin animé, mais ce n’est pas surprenant me concernant : je n’avais pas besoin d’aller le voir ou lire les retours pour savoir qu’il ne pourrait pas égaliser ce que je considère comme le meilleur film d’animation de tous les temps. À l’image que The Dark Knight Rises ne pouvait de toute façon pas égaler la quintessence de The Dark Knight, ou qu’il était illusoire de penser que les nouveaux Star Wars pouvaient faire jeu égale avec L’Empire contre-attaque… Certains films dépassent le statut même de films aux yeux du public ou au sein de la pop culture et il, dès lors, impossible pour une suite ou un remake d’espérer recréer un sentiment similaire. Car on parle d’œuvre qui échappent au final à leurs créateurs et que le public s’approprie. Et le remake du Roi Lion est l’un d’eux.


Donc oui, j’ai bien aimé le film, je l’ai apprécié, sachant que de toue façon il ne pourrait pas recréer l’impact émotionnel qu’il a pu avoir sur le gamin de 4 ans que j’étais à l’époque. L’histoire est fondamentalement la même, les personnages sont les mêmes, donc oui, j’aime autant l’historie et les personnages (j’irais même jusqu’à dire que j’ai préféré Zazu dans ce remake que dans l’original). En revanche, et c’est là où on peut effectivement avoir un sentiment de frustration, c’est que ce remake est la parfaite illustration des récents films de Disney. Beaucoup ont souligné le manque d’âme dans le film, ou le manque d’expressions « humaines » qui rendaient les personnages du film d’animation plus attachants.


Sur ce point, je ne suis pas d’accord, car le film a une âme, ses personnages son attachants, et aussi réalistes que soient les animaux, ils ont des émotions auxquelles on peut s’identifier et reconnaître. Elles sont certes moins anthropomorphiques, et j’admets qu’il y a quelque scènes qui créent une dissonance ; mais ça marche le plus souvent. Non, ce qui manque au film, ce n’est pas une âme, c’est un souffle. Car si le film d’animation était une adaptation très libre de Hamlet, cela lui donné un souffle très shakespearien dans son côté dramatique et tragique. Et c’est ce qui manque principalement à ce remake, car son erreur a été d’adapter le film d’animation original, de le refaire, plutôt que de proposer une nouvelle adaptation de l’œuvre de Shakespeare en gardant le concept de base.


C’est très flagrant lors de certaines scènes clés du film, qui manquent cruellement de ce souffle dramatique et tragiques qui rendaient le dessin animé aussi puissant d’un point de vue émotionnel. On perd également quelques messages importants au passage, comme la discussion entre Simba et Rafiki après la vision de Mufasa, qui était tellement pertinente pour un film Disney à l’époque. C’est d’autant plus visible que justement, ce souffle qui manque au film, on le retrouve dès que celui-ci propose de nouvelles scènes inédites, comme la fuite de Nala et son rôle dans l’acte final, ou bien les discordes concernant la régence de Scar et l’organisation hiérarchique de la tribu. Ce qui montre que les créateurs ont mis leur amour dans le film, mais qu’ils ont voulu se montrer trop respectueux, trop versés dans l’hommage lorsqu’il s’agissait de reprendre les scènes clés.


C’est la raison pour lesquelles j’ai beaucoup aimé ces ajouts, ainsi que certains aspects développés des personnages, notamment Scar qui perd donc son côté Shakespearien, mais d’un côté gagne en profondeur. S’il n’atteint pas le niveau de l’original dans la première partie du film (où on lui retire quand même pas mal de répliques cultes), on oublie souvent que dans la seconde moitié du dessin animé, Scar perd énormément d’intérêt très vite ; alors que là, justement, il en gagne beaucoup.


Le casting vocal (en VO) est dans l’ensemble plutôt satisfaisant. Retrouve James Earl Jones dans l’un de ces rôles les plus mémorables est un bonheur de chaque seconde. D’autant plus qu’il réussit à donner à Mufasa un timbre plus sage, plus majestueux, plus royal. On va être honnête, Chiwetel Ejiofor sera à l’image de son personnage : on perd beaucoup du côté Shakespearien en remplaçant Jeremy Irons (et changeant ces meilleures répliques), mais il y a quelque chose de plus imposant dans sa voix, surtout dans la seconde partie. John Oliver en Zazu, je suis fan. Plutôt satisfait des voix jeunes pour Simba et Nala, un peu moins par les voix adultes. Le reste sera dans l’ensemble correcte.


Quant à l’aspect technique, Jon Favreau redéfinit le cinéma. Hans Zimmer retrouvera les partitions qui lui ont valu son seul Oscar et réussira très bien son boulot (avec notamment un thème plus présent pour Mufasa, qui respire sa majestuosité). Elton John et Tim Rice reviennent avec les chansons que l’on connaît tous. En dehors de « Be Prepared » qui a été changé en profondeur pour des raisons techniques, on retrouvera les autres (qui sont subie aussi quelques réarrangements) et on chantera à tue-tête avec grande joie.


Mais pour le reste… C’est juste incroyable. Plus encore que le remake d’un film adoré, ce film est le prototype d’une nouvelle façon de faire des films. Sera-t-il suivi ou restera-t-il unique, l’avenir nous le dira. Mais clairement, ce film redéfinit les limites techniques du cinéma. Qu’on arrive à un stade où il est impossible de discerner le seul plan réel du film (le lever de soleil d’intro) du reste, c’est juste incroyable. On a beau le savoir, on a beau en être conscience, on n’arrive pas à réaliser que tout ce qu’on voit à l’écran est créer numériquement. À un stade jamais atteint. Bien sûr, les animaux sont numériques et le rendu est incroyable.


Les environnements, du premier plan à l’horizon avec les jeu de mise au point, la lumière, l’eau, les ombres, le vent, les particules… Tout, tout, absolument tout est numérique ! Cela fait plusieurs jours que j’ai vu le film, et je n’en reviens toujours pas du rendu final. Les techniciens des différents boîtes impliquées et Disney ont créé un film au rendu réaliste de A à Z et notre œil, notre cerveau, est incapable de faire la différence. Et c’est ce qui rend en fait certaines scènes un peu étranges, et expliques aussi certaines décisions. Le réalisme est poussé tellement loin dans le rendu réel que oui, certains comportements créent une dissonance parce qu’on voit un véritable lion (ou animal) à l’écran et on sait qu’ils ne sont pas censés se comporter de cette façon, ou bouger ainsi.


Idem pour les modifications majeures, même symboliques. Pour les scènes musicales, et notamment « I Just Can't Wait to Be King » ou « Be prepared » qui, dans le film d’animation, étaient plus que des scènes musicales mais presque des œuvres symboliques et psychédéliques qui n’auraient pu fonctionner dans un contexte qui se veut aussi réaliste (là où le dessin animé se permettait des libertés cartoonesques). Même pour « The Circle of Life », qui est pourtant une reprise plan à plan, on sent déjà certaines limitations et adaptations nécessaires, tout comme pour « Hakuna Matata » (au passage, gros coup de cœur pour bébé Pumba). Et au-delà, même certaines décisions concernant les personnages, comme Ed qui fonctionnent très bien en cartoon mais aurait été complètement aberrant dans un remake au rendu aussi réaliste.


Et c’est là, au final, la limite de ce film. Jon Favreau et son équipe viennent de nous prouver qu’aujourd’hui, nous avons la capacité technique de créer un film entièrement numérique avec un rendu photoréaliste. Toutefois, il nous montre, involontairement ou non, les limites posée parce genre de technique car si elle procure une plus grande liberté de création, de par son réalisme, elle pose aussi des contraintes si on ne veut pas créer de dissonance. Dans le cadre d’une œuvre originale, cela ne posera sans doute pas beaucoup de soucis puisque l’œuvre sera créée pour, mais pour un remake d’un film d’animation, ça pose la question de l’adaptation.


Le Roi Lion version 2019 est donc un film qui marquera le cinéma par sa prouesse technique, mais pourra un peu décevoir car à trop vouloir rendre hommage, il oublie d’adapter le fond même de son histoire et manque ainsi de souffle. Malgré certaines bonnes idées (j’ai beaucoup aimé les développement fait sur la place de Scar au sein de la meute), il perdra de son impact dans les scènes clés qui fonctionneront toujours, parce qu’on comble nous-même les trous, mais sans atteindre l’original. Ce qui, en soit, n’est pas surprenant à y penser.

vive_le_ciné
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le 4 août 2019

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vive_le_ciné

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