Classique ultra célébré des classiques Disney au cœur des années quatre-vingt-dix, *The Lion King* offre
un plaisant voyage initiatique,
dépaysant et coloré autant que sombre et positif à la fois, à travers les plaines sauvages du Serengeti. Dans les pas d'un jeune et naïf lionceau, le spectateur découvre là avec enchantement la faune kényane au fil d'un récit empruntant à Shakespeare pour interroger la place de chacun au monde, et qui sait alterner avec justesse, comme souvent dans les productions du studio, de fortes scènes sombres, effrayantes et cruelles, et d'autres mêlées d'espoirs, de petits bonheurs simples et de joies profondes. Le tout enveloppé de l'humour habituel, léger et tendre, des studios Disney et des sempiternelles chansons qui viennent dérouler une partie de l'histoire en relevant les émotions et les réflexions de ses protagonistes.
Une très belle introduction animale place le décor autour de la naissance du lionceau destiné à devenir le roi de la savane : un bébé fragile et aimé, loué et salué par toutes les bêtes d'un vaste pays, riche et florissant, soumises avec tranquillité au cycle naturel de leur existence. L'esprit de bienveillance disneyen est là qui n'inquiète pas ceux là qui seront mangés par ces royaux carnivores, gardiens de l'équilibre, mais célèbre
une harmonie sociale où tout le monde connaît son rôle
et l'assume avec sérénité. Dans l'ensemble, l'animation est belle, fluide et séduisante d'entrée. Les décors sont aussi réalistes que grandioses, jouant à merveille le dépaysement africain, et le foisonnement des nombreuses espèces présentées ravit là nos prunelles curieuses. Si les exigences enfantines du récit évitent en partie la cruauté naturelle de la savane, le voyage vaut le détour rien que pour cette acuité documentaire riche.
Bientôt le principal nœud narratif s'installe : Mufasa, avant d'avoir un fils, a un frère qui entendait bien prendre sa succession. Scar, avide de pouvoir, rejeté et secret, n'hésite pas à s'acoquiner avec de voraces hyènes idiotes afin de s'assurer le succès de ses manigances. Et quand le jeune et naïf Simba prend sa place dans la lignée, le lion sournois commence de développer son plan :
trahison fraternelle, complot en vue de s'accaparer le pouvoir, manipulations et mensonges, meurtre et exil,
le scénario emprunte largement aux grandes œuvres de William Shakespeare, King Lear en tête, pour tisser les errances initiatiques du lionceau. De quoi séduire les adultes, enchantés de voir leurs enfants frémir, rire et s'extasier à la suite du petit héros. De quoi également interroger la confiance en soi, l'ambition et la force de l'union et des liens familiaux.
Le rythme est soutenu et le scénario linéaire accessible.
Cependant, on pourra regretter la facilité de certaines ellipses qui donnent parfois l'impression d'un survol autour des personnages, l'impression également que le scénario ne creuse pas suffisamment les sillons de son propos, une impression de légèreté de surface, dommageable. Et si les chansons, comme à l'habitude, viennent souligner certains épisodes avec innocence et tendresse, une de ces séquences musicales décroche un peu par l'approche un poil trop psychédélique par rapport au naturalisme séduisant de l'ensemble. On se retrouve soudain dans l'illustration plus que dans la narration.
Là où le film embarque, c'est dans l'éventail de ses personnages. Si Simba évidemment reste attachant et illustre parfaitement le discours du film qui nous
invite à penser notre place au monde,
à trouver l'équilibre entre insouciance et responsabilité, si Scar fait un méchant sombre, glacial et impitoyable, motivé seulement par son ambition personnelle, ce sont les personnages secondaires qui font le relief dans les plaines : Zazu, l'oiseau dévoué donneur de leçon joue l'autorité supplétive du père, Timon le lémurien et Pumbaa le phacochère, couple improbable de joyeux fainéants proposent l'insouciance, le laisser-aller, et Rafiki, vieux singe à qui l'on n'apprend pas la grimace, livre les clés de la conscience de soi. Sans oublier le trio de hyènes rieuses désopilantes qui handicapent plus qu'elles ne supportent l'ascension de l'antagoniste. Le bestiaire est intelligemment développé, les caractères riches liés avec finesse aux visages et aux physiques, et c'est bien la confrontation incessante de l'ensemble qui amène humour autant qu'angoisses, avec un respect bienvenu des caractères naturels de chacun. Une projection animale des visages de l'homme toujours juste, riche et plaisante.
Superbe dépaysement africain autant que conte initiatique maîtrisé,
The Lion King pêche un poil dans les lâchetés de son scénario mais séduit par la richesse de ses personnages autant que dans la simplification infantile de son propos : n'hésitant pas à mettre en musique la devise kényane,
Hakuna Matata – il n'y a pas de problème –
pour interroger le spectateur sur l'équilibre essentiel du laisser-vivre et des responsabilités à assumer, invitant chacun alors à trouver sa place dans la société sans se faire violence mais avec la conscience de l'autre. Un beau message pour un beau film, loin des poncifs de la réussite occidentale, où il s'agit d'être soi-même, à l'écoute de son cœur autant que de ses racines, pour sublimer son existence avec le plaisir de s'épanouir en harmonie avec son environnement.
Une certaine magie africaine à l'œuvre dans la conscience de soi au monde.