Le Roi Lion 3 : Hakuna Matata
5.1
Le Roi Lion 3 : Hakuna Matata

Long-métrage d'animation de Bradley Raymond (2004)

Que faire quand on vous demande une suite impossible ?

Imaginez: vous êtes un jeune réalisateur d'animation, qui débarque dans les années 2000 chez Disney, comme c'est le cas pour ce cher Bradley Raymond. Les années 2000 pour cette firme, comme nous le savons, ne sont pas vraiment jojo, en particuliers pour les suites. Entre les hontes et les purges ennuyeuses, ces épilogues imposés, inutiles ou carrément irrespectueux des inspirations de base (parce que bon, Le Bossu de Notre-Dame 2, je sais pas trop ce qu'ont foutu les descendants de Victor Hugo...), ont malheureusement marqué tout enfant issu de cette décennie. Moi-même je pouvais à peine me forcer de regarder "Le livre de la jungle 2", et je pense que mon cerveau a volontairement effacé beaucoup de ces torchons que j'ai vu. Nous devons, et Disney en particuliers, une fière chandelle à ce cher John Lasseter, qui aura décidément été une grande chance pour l'animation américaine en stoppant net le massacre.
Imaginez que l'on vous demande de faire une deuxième suite au "Roi Lion". Pas une première, une deuxième, avec encore moins de budget. Défi improbable. D'abord, faire une suite au plus grand succès critique du studio (et toujours à ce jour), et leur plus gros succès commercial à l'époque. Ensuite, relancer le jeu alors que "Le roi lion 2" est l'unique suite de Disney Toon à avoir reçu un accueil plutôt favorable (pour ma part, je n'aime toujours pas, déjà quand j'étais petit les facilités scénaristiques et les gros trous me crevaient les yeux). Enfin, une deuxième suite, c'est donc risquer la trilogie... Mais quelle autre histoire de Shakespeare, à part justement "Hamlet" et "Roméo et Juliette", est à la fois aussi universellement célèbre de A à Z tout en étant facilement transposable dans un traitement familial et accessible ? Comment ne pas se répéter, rabâcher, et surtout, si vous êtes un jeune réalisateur admiratif comme toute personne censée de l'original, ne pas le souiller ? Bah on peut pas. Pourtant, c'est ce qu'on lui demande, involontairement, de se répéter et de souiller.
Imaginez que vous êtes un petit malin. Se répéter, OK ; alors ce sera d'un autre point de vue, ne suivant plus le petit Simba. Souiller, tant pis, on tente : ce point de vue sera le populaire duo Timon et Pumbaa. Ce serait un trèfle à 2 feuilles ; leur série, à l'époque, est également la seule à être relativement populaire issue des classiques Disney (vous vous souvenez de la série Kuzco ? Moi si). Alors, bien sûr, on sort de la relative ambition de son prédécesseur, et on est carrément à des années lumière de celle du premier. Ca fait plus figure de grande blague en téléfilm que réel long-métrage. Mais c'était la politique Disney de l'époque ; l'équipe a quand même trouver un moyen pour contourner la sentence de la comparaison, en désamorçant dès la base les enjeux dramatiques, en proposant une relecture sans prétention (comparé à "Pocahontas 2" par exemple, où le propos laisse vaquer une morale vachement discutable quand même), et surtout en assumant son statut tout en rendant hommage au premier film. Ce "Roi Lion 3", il faut surtout le voir comme un hommage, réellement respectueux, à cet immense film, et à une époque où la directive du studio était plutôt dans le barbouillement, c'est plutôt agréable.

Imaginez qu'ils réussissent ? Que vous avez tellement épuisé la cassette du film de 1994 que le redécouvrir de façon comique, avec un duo aussi charismatique, vous procurerai un plaisir sincère ? Parce qu'évidemment, partant d'un principe pareil, l'humour se devait d'être irréprochable. Et j'avoue qu'il m'a parlé, me parle toujours et me parlera encore dans des années (parce que je suis un gosse attardé, mais ça c'est un autre débat). Les interruptions devant l'écran de cinéma, pour moi, sont un exemple de bon cassage de 4ème mur comique, qui est devenu aujourd'hui un gimmick absolument insupportable et jamais justifiable (quand ça parle de box-office, comme chez "Deadpool 2", ça flingue carrément le film). Certes, il est aidé par le fait que c'est une relecture, tout spectateur connait déjà toute l'histoire de base avant de le voir ; mais leurs commentaires sont aussi cohérents avec l'action, l'accompagne réellement, et sont drôles, tout simplement ! La fin en forme d'orgie de figures Disney, pourtant tous en silhouettes, est rigolo aussi ; est-ce d'ailleurs un hasard si tous les personnages présents auront eu une suite claquée dans les années 2000 ? Et au sein même du film, des gags sont devenus cultes dans ma famille, comme Timon et sa "déclaration en mariage" ou le duel Timon-Simba aux limaces (que j'ai bien sûr encore plus savouré en ayant vu "Le bon la brute et le truand" ensuite). Timon et Pumbaa, contrairement à la série, ont conservé tout leur charisme ; Pumbaa est même encore plus touchant que dans le premier ! Dommage néanmoins que leurs scènes touchantes entre eux, comme la tentation d'abandon, est trop entourées d'humour pour bien fonctionner... Les autres personnages, comme la famille de Timon, apportent aussi une touche bizarre. Par exemple, la mère de Timon se comporte vraiment comme un crush de son propre fils, et son oncle est...ben junkie hein, disons les choses comme elles sont, il se drogue sous ses tunnels le pépère. Simba par contre, l'équipe a réussi ce que le 2ème film avait échoué, c'est-à-dire d'être vraiment en accord avec ce qu'était le personnage dans le premier film, un enfant malicieux devenant progressivement un roi acceptant ses responsabilités, tout en n'oubliant pas d'où il vient. Pour enrouler tout ça, une mise en scène délirante, très bien rythmée, avec des idées qui marchent parce qu'elles ont conscience, justement, d'où viennent leur intérêt. Le "karaoké" par exemple : contrairement au "Livre de la Jungle 2" ou une suite Disney...actuelle, on ne ressort pas exactement la même chanson pour faire sourire la nostalgie, on interromps avec un commentaire rigolo ("Timon tu sais ce que ça veut dire ?" "Et comment bouffi ! Envoyez la musique !"), on relance avec des sous-titres et une coccinelle bourrée, et un clip en mode Scarface chez les hippies. C'est pas révolutionnaire, mais au moins c'est une proposition de mise en scène, quelque chose de nouveau à partir d'une chanson que tout le monde connait par cœur ! Et ça a marché sur moi et mes sœurs.
Imaginez tout cela, mais c'est beau d'imaginer. Cela ne veut pas forcément dire que la réalité marche. Et je comprendrai parfaitement qu'il laisse sur le carreau : c'est un parti-pris, de ne même pas essayer d'être ambitieux, d'afficher sa raison d'être et de passer 1 h 20 à contourner les justifications traditionnelles pour qu'une suite existe. Mais, personnellement, c'est aussi ce qui m'a plu. Sa forte envie de ne pas être traditionnel, hors du moule des suites Disney, ne ressembler qu'à lui (et au premier du coup) dans ce catalogue particulièrement embarrassant. J'aime ces films modestes qui savent pourquoi ils existent, qui ne cherchent pas à mentir au public, qui ne sont pas du tout dans une démarche cynique (je pense fort à "Spider Man No Way Home" là), et le plus important, veut divertir à fond son public. Si Bradley Raymond et son équipe ne voulait faire qu'une suite lucrative, il y avait 10 000 autres histoires plus attrayantes pour engranger du bénéfice : Simba cherchant son successeur alors que sa fille serait parfaitement apte par exemple, leur histoire sur l'éducation de Nala, pourquoi pas un come-back des hyènes pour une guerre géante sur la Terre des Lions ? Mais les mecs ont préféré suivre un phacochère et un suricate, rigoler en mode "mdr t'imagine si c'était Pumbaa qui se faisait agenouiller les animaux avec ses pets". Evidemment c'est un délire particuliers, évidemment il ne faut surtout pas le prendre au sérieux ! Mais le film l'affiche honnêtement, et pardonne ceux qui n'y entrent pas (pour preuve la réplique de Pumbaa, lorsque Timon dit rembobiner dans le désordre : Mais personne ne va rien comprendre ! Il faut remonter au début de l'histoire ! (...) Si, nous y sommes, tout le temps! Alors pourquoi ne pas leur raconter notre histoire ? ; façon habile de dire que c'est pas grave si on ne veut pas percevoir l'histoire à travers eux). C'est peut-être à cause de son parti-pris que c'est l'un des films que j'ai le plus vu dans ma vie, et qui m'a rendu gamin attardé... Mais bon, j'aime bien rigoler quand j'entends quelqu'un péter comme Pumbaa moi ^^

Billy98
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le 19 janv. 2022

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