Les projets se suivent et ne semblent pas beaucoup se ressembler pour les frères Larrieu. Alors qu’ils avaient habitué leur public à un hédonisme régional entre adultes consentants, avec quelques exercices de style toujours un peu clivés (le polar dans L’amour est un crime parfait, la comédie musicale pour Tralala), Le Roman de Jim opte pour un nouvel étonnement, celui d’un certain conformisme pleinement assumé. Adapté du roman éponyme de Pierric Bailly, le récit se révèle un puissant mélo – dont la bande-annonce révèle malheureusement bien trop.
Aymeric est un gentil (Karim Leklou, au spectre si large, attendait depuis bien longtemps un personnage d’une douceur aussi touchante) « et c’est ça qui me met dans des situations compliquées » : père improvisé du fils de sa compagne, il laisse la vie, les saisons et les gens accompagner, voire guider son destin, toujours ému par ce que le sort lui réserve, et prêt à l’enrichir de sa bonté.
La simplicité avec laquelle les événements s’enchaînent rappelle certes l’univers des Larrieu, où l’on évite de trop questionner l’élan des désirs et leur possible étiolement. Indexé sur le caractère spontané et solaire de Florence (Laetitia Dosch, parfaite pour ce rôle), le récit emprunte des voies lumineuses (dont une savoureuse « nique cubiste ») et une disponibilité aux opportunités (dont l’irruption d’un Bertrand Belin, qui irradiait déjà le précédent film des cinéastes) dont les dommages collatéraux auront de poignantes conséquences. La voix off d’Aymeric accroît l’attachement du spectateur à son point de vue, le contraignant à suivre celui qui semble s’attacher aux histoires des autres sans pouvoir y trouver un rôle décisif, se résignant à que ça n’est plus « son histoire » avant qu’un être aussi bienveillant que lui lui demande de la raconter.
La gestion des ellipses temporelles, en accord avec la durée du climat des montagnes (encore une constante des Larrieu) et le dévouement à d’autres causes (dont une maison à retaper) colore avec justesse le parcours d’un modeste cœur brisé, sans qu’il soit besoin d’en faire trop pour que le mélo fasse son œuvre.
On pourra à ce titre regretter quelques développements ultérieurs, qui convoquent des ressorts romanesques un peu trop saillants (le mensonge de la mère à Jim, sa colère, le règlement de compte lors de la randonnée) et une scène finale qui veut faire triompher la bienveillance collective de façon trop ostentatoire.
Le silence est la force discrète d’Aymeric, accompagné par une nouvelle compagne lui proposant de nouvelles lueurs, suffisaient pour émouvoir. Mais à travers cet épilogue, et à la suite d’un échange qui se fera sous une musique tonitruante dispensant la maladresse du langage, on reconnaît aussi la patte de frères Larrieu, pour qui la communauté, somme de tempéraments aux forces diverses, gagne toujours au partage.
(7.5/10)