La conquête du fils

Après avoir vu ce petit bijou je vais peut-être pouvoir attaquer la filmographie des frères Larrieu que je boudais jusqu'à présent à cause d'une très mauvaise expérience avec Les derniers jours du monde.

Mais là, avec le Roman de Jim on a un film profondément touchant sur la famille et notamment sur la paternité. Qu'est-ce-que c'est que d'être père ? Est-ce-que c'est mettre "la graine" dans la maman ou est-ce-que c'est élever l'enfant ? Est-ce-qu'une autre famille est possible ?

Le film aborde ces questionnements tout en douceur. On suit la vie de jeune adulte d'Aymeric joué par Karim Leklou (qui fait 20 ans de plus que son personnage, mais où avec une petite phrase bien trouvée les frères Larrieu arrivent à faire accepter ce postulat au spectateur), qui rencontre une femme, prend des photos, se fait quitter, rencontre une autre femme, prend des photos, etc. Et petit à petit tout se met en place lorsqu'il rencontre une femme enceinte dont le père ne veut pas reconnaître l'enfant car il est déjà marié. Aymeric élève l'enfant comme son fils, il ne se pose pas de questions, tout le monde semble heureux... Et ceci malgré les remarques que peuvent faire l'entourage, comme dans la vraie vie, portant un regard de jugement sur cette famille déjà peu traditionnelle.

La famille sera encore moins traditionnelle lorsque le père biologique débarque de nulle part et semble, sans avoir l'air d'y toucher, vouloir s'attribuer des parts dans l'éducation de son fils. Et ce qui est formidable dans le film c'est que tout ce beau monde tente de rendre ça possible, avec plus ou moins d'entrain... Mais ils essaient, ils essaient d'exister en dehors des normes établies... et ce qui est esthétiquement encore plus formidable c'est que ça ne marche pas. Et qu'est-ce-qui se passe lorsque ça ne marche pas ? On devient réac, on applique les vieux schémas, un papa, une maman et direction la manif pour tous.

L'autre force du film c'est qu'il laisse filer le temps, on commence avec un Aymeric qui a 20 ans et on finit avec un personnage qui a l'âge de l'acteur qui l'interprète. On voit la relation père/fils évoluer... Comment la non paternité biologique met à mal la paternité de fait. Comment afin de recréer une simili famille nucléaire on écarte le père adoptif, quitte à détruire les liens filiaux qui s'étaient développés.

C'est un film qui malgré son côté assez doux, tout est tout le temps calme à part une scène d'engueulade et la musique électro, mais qui est vraiment dur dans les thèmes et les questionnements abordés. Et le pire, qui rend le tout encore plus dur, c'est que tout ça est réaliste... L'homme et la femme qui ne s'aiment plus et qui laissent le père biologique s’immiscer dans leur vie... la rupture des liens... le mensonge pour justifier l'injustifiable...

Et puis ce plan de fin... quel plan ! où finalement la plus belle famille est celle totalement tordue, sans lien biologique, juste avec des gens qui s'aiment et qui prennent soin les uns des autres. C'est beau.

Vraiment un super film... d'une grande justesse... et ceci dans tous les choix qui sont faits. Le fait de faire défiler le négatif des photos prises durant tout le film par Aymeric, puis lorsqu'on passe au numérique voir l'image directement et se rendre compte qu'on a perdu quelque chose, comme ça, ça rien dire... juste en montrant le charme de la pellicule.

La musique, les acteurs... tout est au top. Je suis conquis.