C'est avec cette problématique ou cette réponse, ou les deux, que l'on peut résumer autant ce film que l'oeuvre de Fassbinder en partie.


Jamais un film fassbinderien n'aura été si poussif, si frustrant, si caricatural, si drôle, si malaisant, si révoltant et si tragique à la fois. Comment ne pas y voir le délaissement et la tiédeur d'un public et d'une critique sur une suite de projets cinématographiques que Fassbinder a pu ressentir comme du rejet total. Il y a tellement de lui dans "Effi Briest", "Le droit du plus fort" ou encore  "Maman Küsters s’en va au ciel". Cet accueil mitigé peut laisser un gout amer, et plutôt que de livrer des larmes, du renoncement ou de la colère, Fassbinder offre un film hommage à tout ce qu'il a ressenti. Pas besoin d'interview. Le visionnage du film suffit à lui-même. Se sent-il imposteur au milieu d'une intelligentsia cinématographique ? Ou ne veut-il pas produire la révolution, donner un coup de pied dans la fourmilière, cracher aux visages, faire un gros doigt d'honneur ?


"Le rôti de Satan" est suit une trajectoire classique d'une errance d'artiste. Tout est grotesque et comment ne pas y voir une filiation possible entre le travail de Pasolini sur "Théorèmes" ou "Porcherie". Ce n'est pas l'idée du beau qui les intéresse tous deux. Ce n'est pas la pureté d'un art qu'ils veulent suivre. Ils cherchent leur propre "beau". Ils cherchent leur propre art et tant pis si cela dérange. Ils se complètent même.

Si Pasolini dit : " Tant que l’humanité sera divisée en maîtres et en esclaves, il n’y aura ni normalité ni paix", Fassbinder répond avec ce film que les maîtres sont aussi des esclaves d'autres maîtres. Maîtres d'une certaine culture. D'un certain savoir. D'un certain bon goût.


Seulement Fassbinder ne sera jamais soumis. Ne sera jamais esclave quitte à être rejeté. Mieux vaut le rejet, la violence de la laideur, provoquer que de laisser du tiède. Ce film est le revers de la médaille du téléfilm "Le Voyage à Niklashausen". Le chemin de croix du berge est c'est celui de Kranz, donc en quelque sorte celui aussi de Fassbinder. Il assume son "beau", il assume son cinéma, il assume de ne pas être aimé car en tuant Kranz avant de prouver le subterfuge, il évite tous les poncifs ou le classicisme, il se tue lui-même pour mieux renaitre.


Tout est miroir dans ce film. Peut-être le film qui illustre mieux son obsession du miroir ou du double.

Terry934
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il y a 7 jours

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Terry934

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