Dans le cadre de la recherche d’un successeur au maître de l’animation japonaise Hayao Miyazaki, ce fut au tour d’Hiroyuki Morita de tenter de faire ses preuves avec une suite au film de Yoshifumi Si tu tends l’oreille, certains personnages de ce film ayant été réutilisé dans ce film. Mais en fait l’histoire sur la naissance de cette suite est plus intrigante et riche que le film en lui-même.
Originellement un court-métrage de 20 minutes pour un parc de loisir, Hayao Miyazaki avait accepté ce projet à la condition que le mangaka Aoi Hiiragi écrive une nouvelle aventure aux personnages du Baron et Muta, présent dans Si tu tends l’oreille. La commande du parc vient à être annulée et le producteur des studios, Toshio Suzuki, décide finalement de rallonger le métrage jusqu’à ¾ d’heure destiné au marché DVD. Arrive alors Hiroyuki Morita, qui a déjà acquis de l’expérience au sein du studio sur Kiki la petite sorcière et Mes voisins les Yamadas, et à qui le producteur lui laissera finalement l’honneur d’une sortie cinéma après avoir vu son rendu 6 mois plus tard.
Un récit passionnant sur les origines de ce film d’animation mais qui, hélas, se ressent à travers le film dés les premières minutes. A travers le style graphique avant tout qui, s’il a la bonne volonté de vouloir se distinguer des productions habituelles de Ghibli, est paradoxalement le plus faible de la compagnie du studio. Entre sa palette de couleurs limités et plus dilué, les traits de ses protagonistes humain (Haru la première) plus simpliste et l’aspect créatif du royaume de nos amis à poils au niveau des décors nettement moins riche ou varié, on a beaucoup de mal à reconnaître l’inventivité visuel propre au studio de Totoro même pour un projet plus mineur et moins élancé dans ses idées.
Cela me fait même tout drôle de penser qu’à côté même Les Contes de Terremer et Le Tombeau des Lucioles se montraient plus ambitieux, à défaut de me plaire. Mais la bonne contrepartie c’est qu’au moins contrairement aux 2 films cités, Morita ne tombe pas dans la prétention larmoyante ou dans les risques de redite et reste honnête avec la simplicité de ce qu’il propose sans trahir l’esprit du studio. Et à ce titre, si elle peut paraître assez lisse ou limité par rapport à ses prédécesseurs comme Mononoké, Kiki, Shizuku ou encore Anna et Marnie plus récemment : Haru n’en reste pas moins compatissante comme héroïne, son côté gaffeuse n’étant pas pour déplaire et Morita s’efforce au mieux de la rapprocher des thématiques du film précédent dont il fait suite, notamment dans ses histoires de cœurs (question déjà abordé autrement par Si tu tends l’Oreille).
Le bilan est plus mitigé pour les rôles secondaires : on navigue entre un bon capital sympathie pour le baron intrépide et l’amusement provoqué à pas mal de reprise avec le bougon Muta et l’inintérêt ou le manque de creusement du côté des matous comme le prince Loon qui apparaît dans les 6 premières minutes du film pour servir de Deux Ex Machina forcé, ou l’obstiné roi des chats qui laisse plus indifférent qu’il ne fait rire.
Et pourtant il y a par moment des séquences prometteuse qui rehausse les espérances quant au pitch d’origine : principalement lorsque la société des chats intervient hors de leur monde, par exemple lors de la parade nocturne et l’accumulation de petit problème qu’ils entraînent à l’étudiante sans le vouloir en tentant de lui montrer leur gratitude
(vous avez déjà essayé d’aller en cours avec une foule de chat qui vous suit et des paquets cadeaux de souris dans votre casier ? Vous ne voulez pas que ça vous arrive)
ou la rencontre avec le Baron (fidèle à la réputation décrite par le film de Yoshifumi).
Du coup, entre l’animation qui fait le minimum pour être correcte et le manque d’ambition de l’ensemble, comment ne pas être se sentir un minimum médusé voire désappointé en voyant un royaume des chats horriblement creux qui se limite majoritairement à 3 décors différent durant la deuxième moitié de film ?
Un immense champ d’herbe en colline et les décors intérieurs du château du roi des chats ainsi que le labyrinthe… avouez tout de même que pour un royaume vendu comme magnifique par un vassal du roi des chats, on retombe pas mal sur Terre.
Quitte à pousser et exploiter le concept sur le royaume des chats, pourquoi ne pas avoir joué davantage avec les coutumes du royaume ? Ou s’être intéressé davantage à la caste hiérarchique et sociétale de ces félins ? Mieux encore, créer une mythologie farfelue mais crédible sur les origines du royaume et explorer leur rapport avec les humains (ou même créer un royaume des chiens, puisque ce sont souvent leur ennemi naturel) ?
Puisqu’on a Haru qui se métamorphose en chat durant son séjour, autant explorer aussi le destin d’autres humains transformés en chat qui auraient oublié leurs origines voire créer une conspiration des chats qui veulent conquérir le monde, je sais pas.
Alors qu’ici hormis certains gags réussis et le dilemme d’Haru sur ses histoires de cœurs et sa perte d’origine, c’est globalement assez creux. On suit le tout sans déplaisir avec parfois des séquences qui se rapprochent des attentes qu’aurait un fan de Ghibli
(l’envol des corbeaux servant d’escaliers pour Haru une fois retournée dans le monde des humains)
, mais l’impression par ce film est semblable à celle laissé par la bande-sonore de Yuji Nomi qui fait aussi le minimum syndical et met ses compositions au même niveau que le reste.
En subsiste au final un divertissement bon public qui aura peut être connu un joli succès à sa sortie sur le sol japonais, mais passera complètement inaperçu autre part et sera relégué à juste titre au rang d’œuvre animé mineur du studio.
On a vu beaucoup mieux avant ce film chez Ghibli tout comme on a vu beaucoup mieux après.