À âme perverse, sabre pervers
Parmi le haut du panier du chambara nihiliste pur et dur, Le sabre du mal est sans conteste l'un des plus marquant, signifiant et remarquable, et en tout cas loin devant les massacres presque rigolos de Baby Cart. Ici, l'esprit du sabre est le point principal, bénéfique ou au contraire perverti. Un chambara très noir donc qui mêle sac de noeuds politique d'un côté et parcours solitaire entre rage et sombre méditation de l'autre, avec une beauté graphique renforcée par un noir et blanc mirifique et une mise en scène de haute volée.
Le sommet de Kihachi Okamoto, où un sabreur (Tatsuya Nakadai) sans croyance ni conscience des réalités stratégiques et politiques qui annihilent peu à peu la réputation des Samouraïs, à l'âme peu à peu pervertie par la puissance que lui confère son arme, s'oppose sans cesse à la sagesse presque invisible mais omniprésente de son rival (Toshiro Mifune), peu présent et pourtant si imposant à chacune de ses apparitions, qui lui sait mener la voie du sabre à bon escient.
Une sorte de "perfection du chambara" se dégage. Cependant la lenteur contemplative omniprésente et typique du genre traditionnel se perd un peu parfois dans les implications sur les personnages d'une trame politique peu généreuse en émotions, mais l'ensemble demeure magistral. La structure repose sur l'attente insoutenable du final et oppose deux sabreurs au charisme monumental, Toshiro Mifune et Tatsuya Nakadai brillament habités, au cœur d'une mise en scène autant classieuse qu'expérimentale, une photo merveilleuse, des cadrages métaphoriques très puissants et un final à couper le souffle qui ne peut pas mieux clore le "paradis" trouvé pour le guerrier, ou l'enfer selon votre propre souhait.