La garde meurt, mais ne se rend pas
Dévoilant honteusement mon inculture crasse, je suis obligé de vous avouer que je ne connais pas du tout Kihachi Okamoto dont la présente œuvre augure pourtant de choses bien intéressantes en perspectives.
Nous sommes en 1966, ceci est une production très respectable de la Toho avec Tatsuya Nakadai en héros et Toshiro Mifune en second rôle plus que marquant. La photographie en noir et blanc est parfois superbe, le cadrage élégant, la mise en scène honnête, inutile donc de bouder son plaisir.
Le sabre du mal raconte comment un samouraï qui a maîtrise une technique originale et en particulier une garde vicieuse devient plus ou moins esclave de ce mal qui atteint son âme et en fait un mercenaire dénué de scrupules particulièrement efficace.
Autour de tout cela tourne un meurtre originel, un voleur-ninja, une belle à prostituer, une moins belle répudiée, un frère vengeur et pas mal de complications politiques dans une promenade qui nous mène des vallées de pèlerinage aux bas-fonds d’Edo… Comme d’habitude, j’affectionne tout particulièrement, les petits détails du quotidien, où cette façon de relancer toujours le film à partir du tango no sekku, la fameuse fête des garçons, propice à de savoureuses ellipses.
Pour tout vous dire, cette histoire de mal dominant poussé jusqu’au bout de sa logique ne m’a pas passionné complètement, la faute probablement à Tatsuya Nakadai qui abuse ici comme à l’ordinaire de son penchement de tête et de son roulement d’yeux qui a fait sa marque. Il peine à m’intéresser complètement à son sort, j’avoue, et ce n’est pas la laideur de la répudiée qui va compenser cette mauvaise impression, hélas… Avec ça, la plupart des combats sont corrects, très corrects, mais s’éternisent un peu, surtout que la trop grande facilité du bretteur ne rend pas le suspense particulièrement insoutenable.
Heureusement, à un moment, il a une bande de suicidaires qui attaque le palanquin de Toshiro sous la neige et là on profite enfin d’un combat mémorable. C’est presque déstabilisant d’ailleurs, littéralement, de donner à Toshiro un rôle aussi court, tellement il écrase tout le reste du film avec un simple petit mouvement de menton ou deux phrases bien senties qui vous renvoient le dernier des voyous pleurer dans l’obi de son okâsan sans demander son reste.
Et puis, il y a le final, qui ne commençait pas trop bien, si j’ose dire, tant les histoires de remords fantomatiques trop appuyés m’ennuient, mais qui, comme dans Betrayed sorti la même année, surprend à offrir une dimension supplémentaire à l’œuvre et à ce qu’on peut voir d’ordinaire, qui donne enfin au film ce petit gout de tragédie classique qui aurait dû l’irriguer un peu plus souvent et qui parachève superbement ce joli classique du chambara qu’une bonne fée ici remerciée a déposé un beau matin sous mon paillasson bleu nuit qui n’en demandait pas tant.