Friedkin est un réalisateur très complexe, il ne va jamais déjà dans la finesse mais ose au moins montrer des choses qui pourraient être prohibées dans un cinéma hollywoodien bien calibré, ainsi on peut prendre l'exemple de l'Exorciste ou même du Convoi de la Peur. Dernièrement, il y a eu Cruising, où Al Pacino se transforme en homosexuel dans les boîtes gay pour résoudre une affaire de meurtres. On trouve ici l'obsession face à l'interdit que Friedkin apprécie, il s'interroge souvent les questions de moralité, lesquels sont les gentils et lesquels sont les méchants, et ça fait du bien dans un cinéma américain ultra formaté.
Ici, cela prend tout son sens, plusieurs meurtres sont commis, sans rapport les uns avec les autres, et toujours par la même personne. Chaque meurtre est une plongée dans un enfer sanglant, Jonathan Demme a du s'en inspirer pour la représentation des meurtres dans Le Silence des Agneaux d'ailleurs ! En tout cas, c'est très violent, très sale, très Friedkin en somme, et c'est bien, une vraie plongée réaliste dans une Amérique tant propre comme elle l'était avant. Reece est alors ce tueur, motivé soi-disant par des causes obscures, mais l'avocat de la défense ne peut pas le laisser en vie : il décide de tout faire pour le faire condamné à mort.
Finalement, le film s'arrête dans un premier lieu au moment où Reece se fait arrêter, on tombe dans ce que Friedkin souhaite, le questionnement et la remise en cause des valeurs morales. Mais ici, Friedkin est vraiment lourd. Il faut savoir qu'il y a deux montages différents du film, ainsi en 1987 il y avait le montage original, qui était alors plus ambiguë d'après ce que j'ai pu lire sur internet, en tout cas cela ne semblait pas aussi dirigé que dans la version de 1992 où six minutes disparaissent étrangement. Entre temps, Friedkin aura changé d'avis, il est devenu pro-peine de mort, comme quoi... et ça rend le film très malsain, on ne sait pas quoi penser vu que tout est dirigé mais dans un sens encore moins moral, on n'y est pas habitué quand on voit souvent des œuvres dites humanistes ou moralistes !
Pour tenter d'expliquer ce sentiment étrange, il faut remettre dans le contexte les éléments du film étant très déstabilisants. Ainsi la défense du tueur est très caricaturale, ça en est même ridicule, on voit ce gros avocat, voulant se battre pour "ne pas tuer une âme innocente", alors que c'est pour son propre prestige... assez ridicule cette caricature puis on trouve le psychologue qui en fait est une menteur pour permettre à Reece de ne pas être tué... je ne me pencherais pas sur la peine de mort, puisque c'est dans la tradition aux Etats-Unis, mais elle est défendue de manière tellement malpropre, beaucoup trop ridicule comme traitement de la part de Friedkin.
Malgré tout, Le Sang du Châtiment reste un film à voir, il est vraiment passionnant, l'aspect moraliste est retourné contre notre gué et cela en résulte malheureusement par une compréhension bien trop ambiguë de l’œuvre mais c'est intéressant de voir ce film pour cette raison, le fait qu'il y ait eu une nouvelle version à cause du changement de position idéologique de l'auteur...